For Your Consideration : Viens rire des comédiens
Dans For Your Consideration, désopilante comédie de Christopher Guest, le tournage d’un film est bouleversé par une rumeur se rapportant aux oscars. Propos du réalisateur et de ses complices, Eugene Levy et Michael McKean, rencontrés au Festival de Toronto.
Alors qu’elle tourne dans un médiocre mélodrame à petit budget, une actrice vieillissante en mal de gloire (hilarante Catherine O’Hara) apprend qu’une rumeur lancée sur Internet la pressent pour recevoir l’oscar de la meilleure actrice. Peu après, une seconde rumeur laisse entendre que deux de ses partenaires (Harry Shearer et Parker Posey) pourraient également vivre enfin leur quart d’heure de gloire. C’est alors que, telle la misère sur le pauvre monde, les vampires, pardon, les journalistes, s’intéressent de près à ces pathétiques wannabes: "C’est beaucoup plus intéressant, de faire un film sur des amateurs, comme dans Waiting For Guffman, puisque l’on peut s’identifier à ces gens qui se battent pour réussir. Honnêtement, les gens au sommet de la gloire n’ont rien de drôle; ils sont riches et ont accès à tout", affirme Christopher Guest, qui délaisse ici la forme mocumentaire qu’il avait si brillamment exploitée dans Best in Show et A Mighty Wind.
Du côté des gens se croyant au-dessus de tout, mentionnons l’impayable tandem que forment Jane Lynch et Fred Willard dans une parodie irrésistible d’Entertainment Tonight: "Ce n’est pas une parodie d’Entertainment Tonight, lance un réalisateur de mauvaise foi aux journalistes réunis autour de la table. Je n’ai jamais vu l’un de ces shows jusqu’à ce que j’aie à reproduire un décor pour For Your Consideration. Qui se coiffe comme ça, au juste?" D’accord, passons…
Cela dit, For Your Consideration s’avère une réussite autant dans la forme que dans le fond. Avec son fidèle acolyte Eugene Levy, Guest a concocté une suite de scènes qui illustre les grands et petits travers de l’industrie cinématographique que tous deux connaissent bien et dont les dialogues ont été improvisés par une équipe de comédiens dangereusement inspirés. Si les rires fusent à tout moment, l’émotion est également au rendez-vous: "Les éléments comiques nous viennent tout naturellement, assure Levy. Ce que nous observons dans le milieu nous apparaît drôle. Ensuite, nous devons déterminer si ce dont nous parlons est accessible à tous et légitime. Les comédies les plus réussies sont celles où les spectateurs peuvent avoir de l’empathie pour les personnages, lesquels doivent alors être bien ancrés. Si nous nous contentions de ne faire que des blagues, ça ne serait que des sketches et non un film."
Si la situation de départ semble forcée, sachez qu’elle est inspirée de ce qu’a vécu Christopher Guest: "Il y a une vingtaine d’années, j’ai raconté à un journaliste ce dont j’avais été témoin en 1979. Je jouais dans un film et à la troisième semaine du tournage, quelqu’un a accosté le directeur photo en lui disant: "Tu devrais préparer ton smoking, mec…" Je me suis dit "Quoi? On commence à peine à tourner!" Peu après, l’attitude du gars avait changé, il se croyait meilleur. Or, il n’a pas du tout reçu de mise en nomination. Ce n’est donc pas nouveau."
De poursuivre Levy: "En fait, la technologie n’a fait qu’accélérer cela. Prenez l’exemple de Snakes on a Plane; les internautes suggéraient quoi mettre dans le film. Michael McKean a vécu une situation semblable à celle des personnages lorsqu’il a été mis en nomination pour un oscar pour la chanson de A Mighty Wind."
De répliquer celui qui interprète l’un des scénaristes du terrible Home for Purim: "J’ai alors arrêté de vous parler! Ma femme et moi étions sûrs de ne pas gagner; en fait, nous n’en parlions même pas. Et pourtant, après la cérémonie, je lui ai demandé ce que contenait son discours. Nous nous sommes alors dit ce que nous avions préparé."
S’il écorche franchement artistes, artisans, producteurs, journalistes et autres parasites, Guest a eu la décence, contrairement à Yves Desgagnés pour son Idole instantanée, de ne pas être condescendant envers le public. Qui plus est, par le biais d’une galerie de personnages à la fois loufoques et attachants, Guest s’interroge quant au vedettariat, au culte de la jeunesse et à la surenchère des médias. En résulte une comédie féroce et intelligente qui fera sans doute rire à gorge déployée le spectateur le plus difficile.
À voir si vous aimez
This is Spinal Tap de Rob Reiner
The Big Picture, Waiting for Guffman et A Mighty Wind de Christopher Guest