Le Fugitif, ou les vérités d'Hassan : Ciné-vérités
Cinéma

Le Fugitif, ou les vérités d’Hassan : Ciné-vérités

À travers Le Fugitif, ou les vérités d’Hassan, portrait documentaire fascinant, Jean-Daniel Lafond appelle à une meilleure compréhension de notre monde. Rencontre avec un cinéaste engageant.

En 1980, à Washington, David Belfield, étudiant noir et musulman, assassine l’ancien attaché de presse du Chah à l’ambassade d’Iran. Le tueur avait été sollicité par les services secrets de la République islamique récemment instaurée. Après avoir transité par Montréal, le jeune Américain trouve refuge à Téhéran, où il vit depuis sous le nom d’Hassan Abdulrahman. C’est au moment où il tourne Salam Iran, une lettre persane, autour de 2001, que Jean-Daniel Lafond fait sa connaissance. Façonné par sept ans de fréquentations ponctuelles, le rapport entre les deux hommes a pris un tour amical. Hassan décide un jour de se raconter. Lafond en tire un portrait riche en textures, filmé à hauteur d’homme, qui raconte avec empathie un destin singulier tout en jetant d’intéressantes pistes de réflexion sur le monde qui nous entoure. De passage au Festival du nouveau cinéma, Monsieur le gouverneur général s’est penché sur sa plus récente réalisation.

Qui est Hassan…

"C’est un homme très doux, extrêmement attentif à l’autre. Il a cette courtoisie, cette délicatesse qu’on retrouve chez les amis iraniens. Il ne demande pas le pardon. Il demande à être considéré comme il est. Il est vrai que tour à tour, je l’aime, je le déteste. Ce type-là a gâché sa vie! Quel personnage brillant il aurait été dans la communauté noire! Mais comme il le dit lui-même, il serait déjà mort."

De la genèse du film…

"Je voyais Hassan chaque fois que j’allais en Iran. C’est pour moi un observateur privilégié de l’Orient. Un jour, il se met à me raconter là où il en est. Je me suis dit: c’est le début de quelque chose. Je lui ai demandé: "serais-tu d’accord pour faire un film?" Je suis retourné en Iran un an plus tard. Je suis rentré avec quelque complicité administrative. Mon équipe n’a jamais pu rentrer. Au bout de huit jours, j’ai décidé de tourner seul. Quand on est tous les deux, avec la caméra posée sur les genoux et l’autre assis en face, ça donne tout à fait autre chose que si j’avais eu une équipe, des éclairages, etc. Le spectateur est dans les yeux de l’autre, comme je l’étais."

Sa définition du cinéma documentaire…

"Je fais plutôt un cinéma engageant. Ça veut dire, tu t’engages dans la connaissance sachant très bien que l’exposé du problème auquel tu arrives, tu n’as pas en main la possibilité de le résoudre. Ça sera repris en main par une société, qui dément complètement ou qui va plus loin. N’étant pas Michael Moore, chez moi, la vérité ne précède pas le problème. J’essaye au contraire de découvrir d’autres vérités en cours de route. À ce moment-là, tu ne peux pas dire: mesdames et messieurs, voici la vérité qui sort toute nue du puits. Je crois profondément que la forme contemporaine du cinéma, c’est de construire des vérités et des controverses."