Silence, on court! : Une minute de silence
Le 20 octobre dernier, l’ONF annonçait sa décision de cesser les activités de Silence on court!, projet de courts métrages francophones sur Internet créé par Michel Coulombe. Discussion avec le fondateur autour d’une décision qui dérange…
Lorsqu’on le joint sur son cellulaire à Paris, Michel Coulombe revient tout juste des obsèques de Philippe Noiret. Encore en proie à l’émerveillement face à la splendeur de la cérémonie, il dévie bientôt ses propos vers un autre deuil: celui qu’il doit faire de Silence on court!, le site Internet de courts métrages qu’il a fondé en septembre 2001, en collaboration avec la Société Radio-Canada et ARTV, et qui s’est vu forcé d’interrompre ses activités, il y a de cela près d’un mois.
L’annonce est tombée en plein FNC, et a eu l’effet d’une bombe. Du moins à retardement. Le silence (c’est dire) précédant la cessation des activités de SOC! a sensiblement ralenti les manifestations colériques. Mais pas pour longtemps. Après le premier choc de la nouvelle, les indignations, les cris de protestation et les expressions de refus se sont rapidement mis à pleuvoir. Sur de nombreux forums, cinéphiles et réalisateurs ont commencé à dénoncer l’injustice de la démarche, l’absurdité de la décision. Pourtant, rien n’y a fait. Le site Internet de Silence on court!, qui fêtait cette année ses cinq ans d’existence, était bel et bien voué à disparaître. "Or, la forte demande actuelle pour la diffusion en ligne incite l’Office à entreprendre une refonte majeure de son site principal, qu’il désire transformer en un espace véritablement convivial et plus facile à consulter, que ce soit pour la production ou l’achat de courts métrages. Déjà, l’ONF prévoit mettre fin aux diverses activités du site Silence, on court!, créé il y a cinq ans avec la Société Radio-Canada et ARTV, qui se sont tour à tour désengagés du projet", pouvait-on lire dans le communiqué de presse émis par l’ONF, le 20 octobre dernier.
Selon Coulombe, la subtilité de l’orchestration de cette démarche n’a eu d’égale que sa mesquinerie: "De tous les microsites, c’était celui qui marchait le mieux et il ne coûtait pas si cher que cela, relate le journaliste et chroniqueur avec animosité. Nous travaillions dans une vraie proximité avec les jeunes cinéastes, nous avions plus de 300 000 visionnements par année, nous avons rassemblé plus de 5000 spectateurs aux projections de courts au parc La Fontaine en deux soirs!… Et soudain, entre les longs hommages qu’il s’est rendus à lui-même lors du FNC, l’ONF nous a annoncé notre fermeture, et nous, nous nous sommes retrouvés devant le piège mis en place par la machine… Que voulez-vous que je fasse contre une machine?!?"
À l’égard de la nouvelle administration et de la nouvelle ligne que semble prendre l’institution qui aura commencé par le soutenir, Coulombe ne mâche pas ses mots. Les remontrances fusent à l’égard de l’organisme, meublées de remords et de reproches cuisants: "Toutes les personnes qui incarnaient le contenu de l’ONF sont parties, tout comme les cinéastes. Aujourd’hui, c’est devenu une boîte de technocrates qui agit selon les goûts de ses dirigeants, sans tenir compte de la réalité. C’est l’incarnation de la perte du patrimoine. Quand le cocktail prend le dessus sur la création, c’est que, vraiment, il y a une dérive! Prenons, par exemple, la sortie du coffret Norman McLaren: ils ont dilapidé les fonds pour envoyer une dizaine de personnes faire la fête lors du lancement au Festival de Toronto. Le pauvre homme ne méritait pas qu’on utilise son nom pour en faire une machine à communication et à discours!"
Coulombe, qui compare sa situation actuelle au face-à-face ayant opposé David à Goliath, ne perd néanmoins pas sa foi en la relève cinématographique québécoise. Les centaines de courriels qu’il reçoit, témoignant de la reconnaissance de cette jeune génération de créateurs qu’il a aidée à se faire connaître, touchent énormément celui qui affirme avoir toujours oeuvré anonymement, n’ayant jamais souhaité se mettre en avant, centrant plutôt son travail sur le contact avec autrui: "Le court métrage est le secteur le plus vulnérable de l’industrie cinématographique. Qu’on n’ait pas cette conscience-là à l’ONF, je trouve cela vraiment minable et indigne d’un organisme public. Mais la création est forcément plus forte que la bêtise. Il y aura autre chose. Avec ou sans moi, demain, il y aura forcément autre chose…"
L’Être le plus extraordinaire que j’ai connu, long métrage composé de 11 courts métrages issus du concours de Silence on court!, sera projeté à 15h30 et à 19h15 les 6 et 7 décembre au Cinéma Parallèle (Ex-Centris).