¿¡Revolución!? : Le nouveau Quichotte?
Cinéma

¿¡Revolución!? : Le nouveau Quichotte?

Dans ¿¡Revolución!?, Charles Gervais trace un portrait d’Hugo Chavez à travers le regard du peuple vénézuélien.

Dimanche, Hugo Chavez a gagné les élections au Venezuela. Demain, sort en salle un documentaire décortiquant sa révolution bolivarienne et démocratique. La coïncidence ne pouvait mieux tomber. Elle aurait pu être gênante si l’issue électorale avait été autre, tant ce ¿¡Revolución!? parle au présent, et au futur, du président Chavez.

C’est la vague de succès électoraux de la gauche en Amérique latine qui a mené Charles Gervais à ce premier long métrage. Jeune idéaliste avec l’âme du journaliste globe-trotter, il a voulu montrer que la voie altermondialiste, c’était du solide.

"Chavez, dit le réalisateur québécois, est le pionnier de cette nouvelle gauche (élu une première fois en 1998). C’est une révolution humaniste, qui brise la structure des choses. C’est bien."

Charles Gervais s’est lancé dans l’aventure vénézuélienne après la sombre expérience d’Haïti (son moyen métrage Quand la vie est un rêve). "J’avais touché au chaos, dit-il. Je voulais un sujet plus porteur, construit sur quelque chose."

Une révolution peut-elle être exempte de violence? Charles Gervais le croit et ce film en est la démonstration. Une démonstration nuancée, et un brin cynique derrière la théorie inventée par le cinéaste.

C’est ce qui démarque ¿¡Revolución!? des nombreux documentaires qui se penchent sur les mouvements contestant la voie néolibérale: son ton rafraîchissant, tirant du côté de la fable.

Don Quichotte, pas n’importe quelle fable, sert de fond narratif. Charles Gervais a puisé dans ce classique pour construire son film, pour inventer sa thèse. Des dessins animés inspirés du héros de Cervantès ouvrent chacune des étapes de la démonstration.

Sa mise en pratique, vous l’aurez compris, se déroule au Venezuela. Devant la caméra, le peuple témoigne, des gens de la rue pour la plupart (le vendeur de journaux, l’historien…), mais aussi un guérillero pur et dur (appelé Mao), un directeur de journal, une manifestante anti-Chavez. Le président, lui, n’a pas été interviewé, mais ce n’était pas nécessaire: il est partout.

"J’aurais aimé lui parler, dit le cinéaste, mais ça n’aurait rien apporté. Moi, je voulais montrer la relation de Chavez avec son peuple."

Chavez Don Quichotte? Ça, ce n’est pas le documentariste québécois qui l’invente. C’est le politicien lui-même qui le lui a soufflé.

"J’avais lu dans le journal que Chavez s’apprêtait à distribuer gratuitement un million d’exemplaires de Don Quichotte. Ça m’avait frappé."

Du jour au lendemain, il décide de se rendre à l’événement, prévu cinq jours plus tard. C’est cette scène qui ouvre le film. Charles Gervais retournera ensuite plus d’une fois au Venezuela, où, assure-t-il, il est plus facile de filmer qu’au Canada.

Le document n’est pas une ode à la gauche. Les signes de ponctuation du titre laissent deviner sinon des doutes, du moins des hésitations. Et plus la démonstration avance, plus les sonnettes d’alarme retentissent: le goût du pouvoir de Chavez, son radicalisme envers ses adversaires, son côté doctrinaire. Reste que l’opposition, dans ce film, semble en manque d’arguments, s’en tenant souvent aux accusations du genre "Chavez, le diable".

Charles Gervais voit dans le Venezuela une future démocratie semblable à la nôtre. Il s’en tient à l’histoire (les révolutions française et américaine) pour le croire. Son ¿¡Revolución!?, il l’a fait, dit-il, pour montrer "que nous aussi sommes passés par là".

"Je voulais, conclut-il, placer les spectateurs en plein milieu de la révolution." Leur faire vivre les bons et les mauvais côtés. De loin, en bons bourgeois, mais criblés d’interrogations et de doutes. Chavez est-il le nouveau Quichotte?

ooo

C.V.

"J’étais trop jeune à l’époque de La Course destination monde." Charles Gervais ne l’a pas faite, cette aventure qui a lancé son lot de cinéastes (Philippe Falardeau, Denis Villeneuve…). Il s’est alors créé la sienne. Il a pourtant commencé loin du terrain, dans les bureaux de RDI où il travaillait sur la planète Internet. Un jour, il est allé proposer ses services à un patron pour des reportages en Afrique. Avec des amis, il a alors parcouru pendant sept mois la partie ouest du continent. De ce périple, sont nés plusieurs documentaires dont Les Artisans de la débrouille, meilleur film canadien au festival Vues d’Afrique 2004. Charles Gervais a eu la piqûre. Il a quitté son emploi (permanent) à Radio-Canada et est devenu cinéaste indépendant. Quand la vie est un rêve, portrait de la jeunesse haïtienne, a précédé ¿¡Revolución!?. Suivra Manifestes en série, série coréalisée avec Hugo Latulippe sur l’avenir du Québec.

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