Le Voyage en Arménie : Terre promise
Cinéma

Le Voyage en Arménie : Terre promise

Avec Le Voyage en Arménie, Robert Guédiguian aborde les questions de quête identitaire avec cette sensibilité qui lui est propre. Rencontre avec le prolifique, politique et poétique réalisateur de ce voyage bouleversant…

Lorsqu’on lui demande, juste comme ça et en croyant connaître d’emblée la réponse, s’il se considère plus Arménien que Français, Robert Guédiguian répond sans hésiter qu’il se voit incontestablement comme étant… Français. Après tout, "C’est en France que je vis, en France que je paye mes impôts, en France que je vote…" Toujours aussi politique, le hautement respecté réalisateur qui avait signé le populaire Marius et Jeanette, et qui se met alors à parler du thème de l’identité. Un thème auquel il a accordé une grande importance au sein du Voyage en Arménie, l’oeuvre qu’il était venu présenter lors du dernier FNC: "C’est une problématique qui m’a toujours agité, mais qui est devenue un peu plus importante ces dernières années, avec l’avènement de la globalisation qui réduit les identités à un comportement unique. Les particularismes s’inscrivent aujourd’hui comme des résistances à ce mot de globalisation, et il est important de résister! Plus on a conscience de qui on est, plus on a conscience de qui sont les autres."

Celui qui dit s’être "toujours méfié de tout ce qui symbolise la pureté, car au risque d’être provocateur, il n’y a jamais que des bâtards" remet une fois de plus en scène des personnages métissés, en proie à un profond questionnement sur leurs origines. Ainsi est Barsam (Marcel Bluwal, touchant), un homme âgé qui, souhaitant apprendre à son obstinée de fille Anna (Ariane Ascaride, égale à elle-même) à douter, quitte soudain la France pour son Arménie natale. Complètement enragée, cette femme médecin partira sur les traces de son père dans une quête qui s’avérera bien plus profonde et bouleversante qu’elle ne l’aurait cru au premier abord.

Dans ce Voyage d’une grande beauté, Guédiguian porte un regard d’une immense et intense tendresse sur le retour aux sources, dans un mélange habile de polar, de mélodrame, de comédie et de conte initiatique: "On ne connaît un fleuve qu’en y plongeant, philosophe le réalisateur. Je voulais que le point de vue d’Anna sur l’Arménie change, de l’extérieur vers l’intérieur. C’est à cette volonté-là qu’est lié aussi le changement de registres auquel je fais appel dans le film. C’est un immense plaisir que de pouvoir jouer ainsi au chat et à la souris avec le spectateur."

Au fur et à mesure que son séjour en terre "étrangère" avancera, Anna se heurtera aux splendeurs les plus époustouflantes, mais aussi aux horreurs les plus sordides. Pourtant, dépeindre le visage plus sombre du pays aura été pour Guédiguian un mal nécessaire: "Il fallait absolument le faire. Il faut toujours dire la vérité sur les choses. Je voulais montrer à travers les personnages ce que ce peuple a conservé d’humanisme, mais en même temps, je voulais présenter tout ce qui empêche ces valeurs-là de fonctionner."

En ressort une mosaïque poignante, une ode personnelle à un pays certes meurtri, mais oh combien riche de trésors insoupçonnés. "Pour bien parler de l’Arménie, il faut parler de l’Arménie comme elle est." Tout simplement.

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