Roméo et Juliette : Watatatow
Cinéma

Roméo et Juliette : Watatatow

Roméo et Juliette, d’Yves Desgagnés, se veut une version bien de chez nous des amours tragiques des amants de Vérone. Hum!

Lors de son passage à Tout le monde en parle, Yves Desgagnés s’est esclaffé devant un extrait de Virginie particulièrement saugrenu. Pourtant, dans le département des dialogues absurdes et des situations grotesques, Roméo et Juliette n’a franchement rien à envier au téléroman de Fabienne Larouche!

"Moi, je ne fais pas des choses pour l’unanimité, affirme Desgagnés. Notre rapport à une oeuvre, quelle qu’elle soit, est intimement personnel. J’ai essayé avec ce film, peut-être maladroitement, de lui donner quelque chose qui ne soit pas réel. Shakespeare, il n’est jamais sur le plancher des vaches, c’est toujours fantastique."

Adaptation très libre du classique de Shakespeare, Roméo et Juliette ne conserve pratiquement que les prénoms des amoureux adolescents et leur destinée tragique, causée par la rivalité entre leurs familles respectives, Roméo (Thomas Lalonde) étant le fils du chef d’un gang de motards (Gilles Renaud) et Juliette (Charlotte Aubin), la fille d’un juge (Pierre Curzi).

"J’ai voulu me débarrasser du théâtre pour garder ça plus cinématographique, avance Desgagnés. J’ai remplacé de longs monologues par un plan, un silence. La beauté de cette histoire-là, c’est qu’elle est dans un contexte en opposition avec la fraîcheur de leur amour. Ce sont deux perles dans un tas de merde, ces enfants. Je dis enfants parce que Roméo et Juliette sont toujours joués par des acteurs trop vieux, mais Shakespeare avait imaginé que Juliette avait 13 ans et Roméo, 17 ans. Nous, Charlotte a 14 ans et Thomas avait 16 ans lors du tournage."

Les acteurs étant aussi jeunes, on ressent un certain malaise par rapport aux scènes de nudité, ce qui confond Desgagnés: "C’est rendu grave, voir un petit gars et une petite fille s’embrasser et faire l’amour, ça crée plus de malaise que voir quelqu’un se faire arracher la face! La sexualité suit l’évolution d’un corps. Quand tu commences à bander à 13 ou 14 ans et qu’une petite fille commence à être en émoi à cet âge-là, c’est l’âge où il faut faire l’amour."

Le film s’attarde aussi aux mésaventures de Louki (David Michaël), peintre homosexuel et sadomasochiste ami de Roméo: "J’ai essayé de montrer toutes sortes d’affaires que différents êtres humains peuvent vivre ensemble, explique Desgagnés. C’est une autre manière pour moi de parler du chaos et de la violence de la société. On va baiser comme des bêtes et, à travers ça, peut-être qu’on mettra en exergue la délicatesse du premier amour de Roméo et Juliette. Aussi, ces expériences extrêmes auxquelles se soumet le personnage de Louki, pour moi, ça fait partie d’un autre type de désir et d’épanouissement."

Au final, qu’on adore ou qu’on déteste le film, on ne peut nier qu’il est mémorable et fascinant à sa manière: "C’est un objet étrange. Ça ne ressemble pas à grand-chose, ce n’est pas vraiment québécois, y a Jeanne Moreau qui est là-dedans… On pense qu’on est mainstream, film d’ados, puis tout s’arrête, c’est presque minimaliste. J’étais assis dans la salle à la première et j’ai dit: "Quel curieux film!" Mais je n’avais pas le choix. C’est très curieux, la création", conclut le cinéaste.

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