Le Bon Berger : Le siège de l’intelligence
Construction épique, Le Bon Berger (The Good Shepperd), de Robert De Niro, retrace les débuts de la CIA avec ambition et moyens. Gros morceau de cinéma.
On a affaire à un de ces projets dont Hollywood a la chasse gardée. Un film ambitieux, aspirant à cristalliser un pan d’histoire moderne. Le Bon Berger, on le sent, a été conçu avec l’intime conviction de "faire oeuvre". Chose certaine, son auteur connaît le tabac: Robert De Niro, qui signe ici son deuxième long métrage (après A Bronx Tale, 1993), a tutoyé, comme comédien, les plus importants cinéastes de son époque. Bien entouré, il a pu cette fois compter sur l’excellent scénariste Eric Roth (Munich, Ali) et assembler une distribution impressionnante (Matt Damon, William Hurt, Michael Gambon…).
Et le sujet, alors… évoquer la création et les premières années de la Central Intelligence Agency, depuis la Deuxième Guerre mondiale jusqu’au débarquement de la baie des Cochons, en 1961. L’histoire nous est racontée du point de vue d’Edward Wilson (Damon), sorte de décalque d’une authentique pointure de la CIA, James Angelton.
Wilson, jeune universitaire brillant, est appelé à se joindre à l’OSS (ancêtre de la CIA). Il quitte une femme – enceinte – qu’il connaît à peine (Angelina Jolie) et part apprendre le métier en Europe. L’homme prend rapidement du galon. Il revient aux États-Unis six ans plus tard. Ses brillants états de service lui valent de participer à la création d’une nouvelle agence de renseignement, puis de jouer un rôle prépondérant pendant la guerre froide.
Récit romancé mais alimenté par des sources bien informées, Le Bon Berger lève le voile sur l’univers opaque de l’espionnage de haut vol. Le regard clinique porté sur le sujet est froid mais fascinant. On présente les subtilités de cette culture du secret, qui nourrit la peur et le doute, et ses protagonistes, petits fonctionnaires redoutablement méthodiques. Rien à voir avec le monde glamour d’un certain Bond…
Or, malgré ses considérables qualités, Le Bon Berger n’est pas exactement à la hauteur des ambitions de De Niro. La trame émotive manque d’étoffe. Les personnages n’ont pas la stature propre aux héros mythiques – Matt Damon, en mode minimaliste, incarne une figure de proue frigorifique. Rien pour attiser les passions…
Reste la réussite technique, la finesse du scénario et la promesse d’une suite, alléchante. Après tout, les espions ont fait la manchette, dernièrement…
À voir si vous aimez
The Godfather de Francis Ford Coppola
Once Upon a Time In America de Sergio Leone
A Bronx Tale de Robert De Niro