Coeurs : Foule sentimentale
Dans Coeurs, film choral d’Alain Resnais, sept personnages cherchent vainement à combler leur solitude.
Dans un Paris (Bercy Village, plus précisément) où souffle une tempête hivernale, Nicole (Laura Morante) cherche un appartement même si le couple qu’elle forme avec Dan (Lambert Wilson), ex-militaire devenu pilier de bar, va à la dérive. Confident des tourments de Dan, le barman Lionel (Pierre Arditi) engage Charlotte (Sabine Azéma), célibataire pieuse ascendant sulfureuse, pour prendre soin de son exécrable père cloué au lit (voix de Claude Rich). Le jour, Charlotte travaille avec l’agent mobilier Thierry (André Dussolier) qui en pince pour elle. Pour sa part, Gaëlle (Isabelle Carré), soeur de Thierry, tente de trouver l’homme de sa vie grâce aux petites annonces.
Adaptation de la pièce Private Fears in Public Places d’Alan Ayckbourn (dont le Intimate Exchanges est devenu Smoking / No Smoking scénarisé par le tandem Jaoui-Bacri), Coeurs est un film choral qui traite de solitude et où légèreté et gravité se conjuguent parfaitement.
Porté par des répliques savoureuses et spirituelles que défend un casting de rêve (comment ne pas craquer une fois de plus pour l’irrésistible trio Arditi-Azéma-Dussolier?), Coeurs illustre avec finesse le désarroi d’être vivant avec la triste et tenace impression de passer à côté de la vie. Voyant évoluer avec une aisance remarquable les Carré et Morante auprès de cette divine trinité, à laquelle s’est joint plus tard Lambert Wilson, on se dit que la famille Resnais, que l’on aurait envie de surnommer la famille royale du cinéma français, en est une des plus accueillantes.
Dirigeant merveilleusement ses acteurs, Resnais signe une mise en scène fluide, épurée, un rien théâtrale, où les rafales de neige servent à ponctuer joliment le récit et à souligner la douce mélancolie émanant de ce qui pourrait bien être la dernière oeuvre d’un grand réalisateur, qui, depuis près de 50 ans, n’a jamais cessé de se réinventer d’un film à l’autre, tout en préservant une signature reconnaissable entre toutes.
À constater l’éternelle jeunesse habitant celui qui célébrera ses 85 ans en juin, on se prend à rêver que tout n’est pas fini. Après tout, Manoel de Oliveira vient bien de signer Belle toujours à 98 ans…
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