Black Snake Moan : Câline de blues
Cinéma

Black Snake Moan : Câline de blues

Black Snake Moan, de Craig Brewer, met en scène un bluesman qui tente de dompter une nymphomane.

"Il n’y a qu’une sorte de blues: celui entre le mâle et la femelle." Ainsi parle le bluesman Son House dans le premier d’une série d’extraits d’époque qui sont insérés à travers le film. Car, voyez-vous, Black Snake Moan est avant tout à propos du blues et, par extension, de ce fameux rapport entre les sexes, fût-il basé sur l’amour ou les bassesses, la souffrance ou le plaisir. Presque toute chanson naît de ce thème, mais jamais de façon aussi brute que dans le blues. Le blues est, tel un mantra, une tentative cathartique de chasser ses démons… Un exorcisme.

Et si le blues est un exorcisme (comme l’a déjà affirmé Muddy Waters), Black Snake Moan est en quelque sorte The Exorcist. Le noyau du récit est en effet un pas de deux entre une jeune femme "possédée" et un homme de Dieu qui tente de la délivrer de ses pulsions malsaines. Il n’y a toutefois pas de dévissage de tête ni de jets de vomi vert au programme; le diable qui habite Rae (Christina Ricci, extraordinairement dénuée de pudeur) ne se manifeste que via sa libido insatiable. De plus, le vieux Lazarus (Samuel L. Jackson, à la fois bourru et attendrissant) n’est pas littéralement un prêtre, seulement un ancien bluesman devenu fermier qui n’est pas dépourvu de ses propres troubles émotionnels. À eux s’ajoutent quelques autres personnages dont le petit ami de Rae, impeccablement interprété par le toujours surprenant Justin Timberlake.

Black Snake Moan, qui tire son titre d’une chanson de Blind Lemon Jefferson, est la plus récente réalisation de Craig Brewer. Comme dans son film précédent, Hustle & Flow, Brewer accorde une grande attention aux ambiances et aux textures, nous faisant pratiquement sentir la sueur, la fumée de cigarette et la gnôle. On retrouve aussi sa capacité remarquable à utiliser la musique, les personnages parvenant à s’exprimer le mieux lorsqu’ils retrouvent leur voix et chantent le rap (comme Terrence Howard dans Hustle & Flow) ou le blues (comme le fait admirablement Jackson ici).

La simple idée d’un Noir qui enchaîne une petite Blanche à son radiateur en choquera certainement certains et Brewer s’amuse bien à courtiser la controverse avec certaines scènes; mais au final, les excès de Black Snake Moan s’avèrent justifiés, réfléchis et ressentis.

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