Je pense à vous : Le vaudeville avant le polar
Cinéma

Je pense à vous : Le vaudeville avant le polar

Je pense à vous, de Pascal Bonitzer, est un vaudeville dramatique. Rencontre avec celui qui fut notamment le scénariste de Jacques Rivette, d’André Téchiné et de Raoul Ruiz.

Scénariste réputé, autrefois critique, Pascal Bonitzer est un homme de mots. L’oeuvre du "jeune" réalisateur (il débute, avec Encore, à 50 ans) en est imprégnée, tel ce Je pense à vous, fort en dialogues incisifs et colorés. Cependant, ne lui dites pas qu’il crée des films bavards: "Le dialogue, pour moi, est moteur de l’action, mais je ne fais pas des films bavards. Mes mots ne sont pas vides."

Il y a une différence, note-t-il, entre lui et Tarantino, qu’il admire par ailleurs pour ses talents de conteur: "Ses personnages sont bavards. Ils parlent pour ne rien dire. Dans mon cas, le dialogue est dynamique, il porte le suspense et le comique de l’action."

Vous êtes avertis: Je pense à vous est le film français type. Ça parle beaucoup, beaucoup, dans un Paris bourgeois et snob, où les petites histoires de coeur, et de sexe, font le drame.

Hermann (Édouard Baer), éditeur, se fait photographier discutant avec son ex (Marina de Van). La photo les réunissant est envoyée à sa femme (Géraldine Pailhas), déjà en brouille avec lui depuis qu’il a publié un certain roman. L’auteur de celui-ci (Charles Berling) est son ex et l’homme qui prend la photo compromettante. Compliqué? Ce n’est que le début d’un chassé-croisé auquel s’ajoutera un autre mari adultère (Hippolyte Girardot).

Il faut aimer le vaudeville pour apprécier le grotesque des multiples rebondissements. Rien sur Robert, le plus connu de Bonitzer, était plus savoureux et subtil. Né de l’échec d’un film fantastique jamais abouti, Je pense à vous n’est pas qu’une comédie. Le personnage de l’ex de l’éditeur incarne, dans l’esprit de l’auteur, une " revenante, menaçante". "C’est teinté de fantastique, dit Bonitzer. Il y a un boisé, la nuit… mais pas d’orage. J’ai voulu rester léger, ne pas insister."

Sûr de lui, Pascal Bonitzer ne s’offusque pas qu’on qualifie son film de panier à clichés. "J’aime bien le cliché, admet-il, mais pour le retourner. Chaque scène contredit la précédente."

La scène clé, où Hermann surprend les deux femmes de sa vie nues, n’est pas un vieux fantasme de réalisateur macho. "J’ai voulu montrer un drame qui débouche sur une tragédie plutôt que sur quelque chose de satisfaisant."

L’auteur du scénario de La Belle Noiseuse était de passage à Montréal pour ses talents d’écriture, invité à donner une "leçon" aux Rendez-vous du cinéma québécois. On gagne sûrement à l’entendre, lui qui s’est fait la main à la méthode Rivette: pas de texte avant le tournage.

"Cette façon de travailler laisse place au hasard et à l’improvisation, explique-t-il. Ça m’a donné le goût du dialogue. C’est un avantage, pour un dialoguiste, de voir en direct si les répliques tiennent dans la bouche des comédiens. C’est une expérience précieuse quand on veut se perfectionner. Et assez rare, car la plupart écrivent loin du plateau. Quand ils y vont, c’est en touristes."

Reste que le prochain film sera très écrit puisque Bonitzer adaptera un roman d’Agatha Christie.

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