Indigènes : Allons enfants…
Indigènes, de Rachid Bouchareb, raconte la contribution des "fils français d’Afrique" lors de la Seconde Guerre mondiale.
L’Histoire a la mémoire sélective. Pour un héros dont le souvenir a été coulé dans le bronze, combien d’hommes ordinaires, tout aussi valeureux, ont rendu l’âme dans l’anonymat? C’est ce sort que connurent des milliers de soldats issus du Maghreb et de l’Afrique noire qui aidèrent la mère patrie à triompher de l’Allemagne nazie. La petite histoire de ces remarquables oubliés revit aujourd’hui grâce à Rachid Bouchared.
1943. Abdelkader (Samy Bouajila), Saïd (Jamel Debbouze), Messaoud (Roschdy Zem) et Yassir (Samy Naceri) décident de servir sous le drapeau bleu-blanc-rouge. Les quatre Maghrébins se retrouvent au sein de la même compagnie "indigène", placée sous le commandement du sergent Martinez, un pied-noir (Bernard Blancan).
Après avoir vécu leur baptême du feu en Italie, nos soldats sont dépêchés en France, où ils livrent bataille en Provence, dans les Vosges, puis en Alsace. Combattants dévoués, ils se tiennent droit dans l’adversité: malgré les inégalités dont ils sont victimes au sein de leurs propres rangs, Abdelkader, Saïd, Messaoud et Yassir se battront jusqu’au bout pour la France.
Féconde illustration d’une tranche d’histoire méconnue, Indigènes déploie sa trame avec le noble souci d’enseigner, et non de faire la leçon. Pas de hargne ni de frustration dans le ton. Il ne s’agit pas tant de rectifier le tir que d’attirer l’attention sur ce qui, jusqu’ici, avait été traité comme une note en bas de page dans les manuels historiques.
La réussite du film tient à son casting de premier plan. Quatre individus – cinq avec leur supérieur – dont les motivations diffèrent, mais que les épreuves finissent par souder. Ce portrait de groupe superbe n’est pas passé inaperçu: un prix d’interprétation collectif a été remis aux protagonistes à Cannes en 2005.
L’entrée en matière pourra paraître un peu raide: on ne voit que brièvement les "héros" dans leur habitat naturel, et on glisse sur leurs motivations. C’est que le réalisateur Bouchared a dû sabrer dans son premier montage.
Cela dit, la mise en scène, respectueuse des canons du genre, est une mécanique bien huilée qui fait habilement alterner action et observation. Les scènes de combat sont savamment orchestrées et le propos socio-historique renvoie à des préoccupations parfaitement de notre temps. Solide et pertinent.
À voir si vous aimez
Saving Private Ryan, de Steven Spielberg
Letters from Iwo Jima, de Clint Eastwood
The Thin Red Line, de Terrence Malick