Panache : La bête lumineuse
Avec Panache, André-Line Beauparlant, désormais documentariste attendue, livre, à travers six portraits de chasseurs, un regard sensible sur la vie près de la nature.
"Six chasseurs sachant chasser". Le slogan du troisième long documentaire d’André-Line Beauparlant (Trois princesses pour Roland) annonce sa couleur. Plutôt que de se placer aux côtés des protecteurs des animaux, Panache prône la chasse. S’agit de savoir tirer.
La cinéaste se défend toutefois de livrer un film engagé. Elle ne croit pas être là pour dire aux gens quoi penser. La "belle théorie", elle laisse ça aux autres. "Je l’ai fait parce que je me posais plein de questions. Le film parle de moi, de mes peurs, du besoin de me dépasser, de la mort. C’est violent et dur, admet-t-elle, et en même temps, il y a quelque chose de vrai et d’essentiel."
Encore une fois, André-Line Beauparlant s’est trouvé un sujet proche d’elle, non pas par paresse, mais par obsession pour ces questions qui la hantent. La chasse, elle l’a découverte à force de côtoyer, de son chalet, des "vrais" chasseurs. Ce sont six d’entre eux, tous du village Montcerf (!) en Outaouais, qui peuplent Panache. Ils y parlent de leur passion sans gêne.
Sans vouloir faire un pamphlet, la très urbaine Beauparlant cherche, quelque part, à abattre les préjugés. Principale leçon: savoir de quoi on parle avant de dénoncer.
Dans le bois, Beauparlant a réalisé à quel point la chasse "n’est pas quelque chose de barbare". Qu’elle fait partie de la vie de gens, "à l’année". "Ils en parlent tout le temps, a-t-elle constaté, quand ils ne sont pas en train de la préparer."
Celle qui oeuvre aussi comme directrice artistique (on lui doit les couleurs de Gaz Bar Blues, de Mariages, de La Femme qui boit et de plusieurs des films de Robert Morin, son compagnon) a même chassé pendant sept ans, sans tirer. Puis, elle l’a fait, a tué, a pleuré. Elle a compris que la chasse faisait partie d’un cycle. Que derrière leurs habits de camouflage et leurs fusils haute finition, ces gens vivaient dans une réalité qui peut nous échapper, mais qui est bien vraie. À les voir aller, on en tire des leçons.
"Pour nous, en ville, la mort, c’est une pensée magique. Pour eux, c’est beaucoup moins abstrait, ils en sont proches. En étant loin de la mort, on est loin de la vie", croit André-Line Beauparlant.
La force de Panache tient à sa proximité avec son sujet. À sa véracité. La caméra, tenue par Robert Morin, suit les chasseurs de près. Dès l’attente de la proie dans des repaires aussi exigus qu’une roulotte, jusqu’au dépeçage de l’animal. La cinéaste nous amène là où nos petits coeurs de citadins-carnivores-hypocrites n’osent pas aller.
Ces scènes, aussi crues soient-elles, ne frôlent jamais le sensationnalisme. La plus difficile ne fait d’ailleurs qu’évoquer, dans la bouche d’un chasseur, la mort lente d’un chevreuil.
André-Line Beauparlant ne cherche ni à choquer ni à juger. Le respect, l’amour pour l’autre la guident une nouvelle fois, comme dans ses films précédents où elle abordait la violence ou la maladie. Avec grand humanisme, sans violons, subtilement, son cinéma fait partie de ces oeuvres qui laissent parler le peuple, gens de la rue ailleurs, coureurs des bois ici.
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