Fictions : Au tour du monde
Cinéma

Fictions : Au tour du monde

Côté longs métrages de fiction, le Festival de cinéma des 3 Amériques nous transporte dorénavant sur tous les continents. Aperçu du voyage en 10 escales.

AFTER THE WEDDING

Dans After the Wedding, un homme ayant consacré sa vie à la construction d’un orphelinat en Inde (Mads Mikkelsen, que l’on a vu incarner le Chiffre dans Casino Royale et que certains critiques surnomment "le nouveau Viggo") voit sa vie complètement chamboulée le jour où il assiste au mariage de la fille d’un riche homme d’affaires danois (bouleversant Rolf Lassgård) lui ayant promis de devenir son mécène. Son fils adoptif demeuré en Inde, il se voit contraint de prolonger son séjour au Danemark en découvrant graduellement les secrets que lui cache le père de la mariée. Un émouvant drame de moeurs signé Susanne Bier (Brothers), porté par une solide distribution et qui évite de justesse de tomber dans le pathos et le prêchi-prêcha. (M.Dumais)

EL AURA

Dans ce thriller atmosphérique envoûtant du regretté réalisateur argentin Fabian Bielinski (Nueve Reinas), décédé à l’été 2006 à 47 ans, l’excellent Ricardo Darín (El Hijo de la Novia) campe un taxidermiste apparemment sans histoire. Ne pouvant s’empêcher à tout moment d’imaginer des cambriolages de banques parfaits, ce dernier se retrouve mêlé au vol d’un casino à la suite d’une partie de chasse fatale. Dès lors, il découvrira que la réalité peut être parfois plus cruelle que la fiction. Afin de s’immiscer dans l’esprit dérangé de son protagoniste à la santé fragile, Bielinski compose des cadrages recherchés d’une esthétique sombre et soignée, lesquels confèrent à El Aura un aspect onirique troublant et pénétrant. (M.Dumais)

RED ROAD

Premier long métrage de l’Anglaise Andrea Arnold, Red Road met en scène une opératrice de caméras de surveillance dans un quartier mal famé de Glasgow (merveilleuse Kate Dickie, prix d’interprétation au FNC) qui épie sur son moniteur les allées et venues d’un homme sortant de prison (Andrew Armour, peu rassurant), un homme qu’elle s’était promis de ne plus jamais revoir. S’ensuivra pour elle une plongée dans un monde marginal que la talentueuse réalisatrice développe en une suite de scènes fortes et troublantes au cours desquelles les motivations du personnage féminin s’avèrent tordues, jusqu’à ce que la vérité nous éclate violemment au visage. Un film hypnotique, renversant et douloureux aux dialogues minimalistes qui a remporté à juste titre le Prix du jury à Cannes. (M.Dumais)

LE PRESSENTIMENT

Le Pressentiment

Acteur tout aussi efficace que discret que l’on a notamment vu chez Robert Guédiguian (Marius et Jeannette) et les Jaoui-Bacri (Un air de famille), Jean-Pierre Daroussin effectue un premier passage fort réussi derrière la caméra. Dans Le Pressentiment, adaptation d’un roman d’Emmanuel Bove, il incarne un avocat qui, n’en pouvant plus de son univers bourgeois, s’installe dans un quartier populaire de Paris. Mal lui en prend le jour où il héberge une adolescente issue d’un foyer violent. Ragots, médisance et ostracisme seront le lot quotidien de ce bon samaritain. Film délicat et sensible, cette fable sociale aux accents tantôt réalistes tantôt oniriques illustre cruellement l’incommunicabilité des classes. Un "jeune" réalisateur à surveiller. (M.Dumais)

2:37

La comparaison avec Elephant s’avère presque inévitable. Non que 2:37 s’intéresse au contexte d’une tuerie, mais bien qu’il évoque la vie tumultueuse de six étudiants à problèmes, en les suivant durant les heures précédant une tragédie. Sans compter que la caméra s’y fait observatrice et mobile, que les points de vue s’y croisent au tournant d’une scène, que des classiques interprétés au piano participent à y imposer un rythme modéré et que les dialogues s’y veulent authentiques, voire crus. N’empêche, ce sont d’autres situations qui s’y dessinent, dans une volonté, moins de décrire un quotidien moyen que d’explorer sans détour des drames aussi sombres qu’actuels, alors qu’on alterne entre événements et extraits d’entrevues, où les personnages se livrent de manière à la fois convaincante et troublante. Intense. (J.Ouellet)

QUAND J’ÉTAIS CHANTEUR

Ayant récolté sept nominations aux Césars, après avoir été présenté en compétition officielle à Cannes, ce troisième long métrage de Xavier Giannoli (gagnant de la Palme d’or pour son court métrage intitulé L’Interview) ne sera projeté qu’une seule fois à l’occasion du FC3A (le 1er avril, à 14h15); avis, donc, aux intéressés. Mettant en vedette Gérard Depardieu, dans le rôle d’un chanteur de bal cinquantenaire inspiré d’Alain Chanone, qui apparaît également à l’écran mais dans la peau d’un de ses concurrents, ainsi que Cécile De France, en jeune mère célibataire gagnant sa vie comme agent d’immeubles, Quand j’étais chanteur compte apparemment parmi "les découvertes de la dernière saison cinématographique en France". Une histoire d’apprivoisement, agrémentée de chansons portant à la danse, réellement interprétées par Depardieu. (J.Ouellet)

OFFSIDE

La prémisse de ce film? Le fait qu’en Iran, les femmes ne sont pas admises dans les stades de soccer. Voilà qui en dit long sur leur condition dans ce pays… Quoi qu’il en soit, la charge se teinte d’un certain optimisme, alors qu’Offside met en scène des héroïnes qui se tiennent debout et argumentent passionnément, faisant ainsi ressortir l’absurdité de cette exclusion. Ainsi y accompagne-t-on une jeune fille dans sa tentative infructueuse d’assister à un match important, alors qu’elle se retrouve, avec d’autres amatrices, sous la surveillance de quelques soldats, en attendant d’être remise à l’escouade du vice. Le tout donnant l’impression d’être capté sur le vif, en temps réel, et marquant donc par sa spontanéité ainsi que son atmosphère festive, complètement survoltée, aussi caractéristiques de ce genre de manifestations sportives qu’au diapason du propos. (J.Ouellet)

EL CUSTODIO

Adoptant une perspective réaliste, El Custodio de Rodrigo Moreno (El Descanso, prix Tempête du meilleur long métrage, INM 2003) n’a rien d’un thriller palpitant, tandis que son héros (Julio Chávez) se situe à mille lieues des Kevin Costner, Jet Li et autres bodyguards du grand écran. En effet, ce dernier s’affirme plutôt comme celui qui suit, qui reste à attendre devant des portes closes, qui scrute dans l’ombre, qui observe par le rétroviseur. Et c’est ce que nous faisons avec lui, dans le silence, la répétition, la monotonie, alors que le ministre qu’il doit protéger et ses proches se révèlent à travers des bribes de conversations, des scènes entraperçues, non sans également servir de contrepoint à l’ébauche de ce personnage riche malgré son effacement. Une relation aussi particulière que l’effet qu’elle produit à terme… (J.Ouellet)

OS 12 TRABALHOS

Os 12 Trabalhos

Prenant le parti de présenter Sao Paulo sous un jour qu’on lui connaît moins, le réalisateur brésilien Ricardo Elias s’attarde dans son second film, Os 12 Trabalhos, à la réalité quotidienne de ces emblèmes vivants du pays que sont les motoboys. Délaissant la violence souvent mise à l’écran pour exprimer la dureté des favelas, Elias campe ici un personnage du nom d’Heracles qui, récemment sorti d’un centre de détention juvénile, est engagé au sein d’une petite entreprise et doit effectuer 12 travaux, à l’instar du héros de la mythologie grecque, pour expier son passé. Si les parallèles avec la légende semblent parfois forcés, l’ensemble a l’avantage d’offrir une vision réaliste de la mégapole ainsi qu’un excellent jeu d’acteurs. (C.Bolduc)

TAXIDERMIA

Scatologique, outrageant, et carrément dégoûtant, le Taxidermia du réalisateur hongrois Gyogy Palfi l’est assurément. Du moins, en surface. Car une fois qu’il réussit à passer par-dessus les séquences d’écoulements intestinaux visqueux, d’expérimentations phalliques aberrantes et de scènes sexuelles d’une morbide perversité, le spectateur se retrouve devant une critique aussi cinglante que grotesque du système socialiste. Au gré du parcours de trois hommes, issus de trois générations différentes, le film sonde les limites du communément acceptable et propose une vision pour le moins extrême d’un monde régi par des lois incongrues. Obésité maladive, sexe brutal et désir d’immortalité: un cocktail Molotov explosif qui ne manque pas de faire des vagues dans chacun des festivals où il impose sa grossière indécence. Inclassable. (N.Wysocka)