Échangistes : Swinguez votre compagnie
Cinéma

Échangistes : Swinguez votre compagnie

Dans Échangistes, Simon Boisvert décortique le couple. Rencontre avec un cinéaste indépendant qui signe un film accessible et divertissant.

Pendant que certains désespèrent en attendant l’aval des institutions, de plus en plus de cinéastes prennent le pari de se financer eux-mêmes et de tourner envers et contre tous: "Il y a une vague indépendante qui aide, admet Simon Boisvert. Je suis très conscient qu’un truc comme celui que j’ai fait, il y a 15 ans, on n’aurait jamais vu ça à l’écran, parce que les gens n’étaient pas conditionnés à ça. Les gros studios à Hollywood contrôlent tout et ils ont habitué les gens à un format: une image très propre, 35 mm, correction couleur, on met deux grosses vedettes dans les rôles principaux et l’histoire est très structurée. La majorité de la population est habituée à ça et pour elle, un film indépendant, ce sont des histoires alternatives, sombres, filmées bizarrement, et puis c’est plate. C’est un goût acquis. Est-ce qu’ils sont tous intéressants, les films indépendants? Non, mais les films hollywoodiens ne le sont pas tous non plus."

Pourtant, malgré son budget modeste et ses acteurs peu connus, Échangistes est un film accessible et divertissant: "J’ai un petit peu le cul assis entre deux chaises, confirme le réalisateur. J’ai une facture indépendante, avec cependant des histoires commerciales, terre-à-terre et réalistes que des gens qui regardent les téléromans pourraient aimer. Mais en même temps, j’aborde des sujets peut-être un peu plus délicats."

Comme le titre l’annonce sans équivoque, le thème est ici l’échangisme, l’un des derniers tabous de notre société: "Je ne comprends pas pourquoi c’est un tabou, s’interroge Boisvert. Je ne dis pas ça en prenant position pour ou contre, je sais que ça peut faire du dommage, mais je crois que c’est un choix personnel. Il y a des gens à qui ça convient, il y a des gens à qui ça ne convient pas. Je suis allé d’après les statistiques, qui disent que pour 75 % des gens, l’échangisme ne convient pas. Alors en prenant trois couples, on va en mettre un pour qui ça marche et deux pour qui ça ne marche pas, pour des raisons différentes."

En dépit du sujet et du fait que l’un des personnages est un voyeur (Sylvain Latendresse), le film lui-même ne fait pas dans le voyeurisme, préférant être suggestif qu’explicite: " Échangistes, précise le cinéaste, c’est un film sur les couples. Ce n’est pas un documentaire sur les clubs échangistes, avec un paquet d’orgies. On a un petit clin d’oeil à ce qui s’y passe, mais c’est d’abord un film sur les relations. J’ai pris l’angle de l’échangisme entre amis, je me suis dit que j’allais toucher plus de monde. Samedi soir, trois ou quatre couples d’amis: qui, à un moment donné, ne regarde pas la blonde d’un de ses chums et ne se dit pas: "Ouin, j’y ferais pas mal!""

Échangistes présente des personnages bien définis, qui évoluent et révèlent de nouvelles facettes au cours du film, allant au-delà des stéréotypes: "On est tous un peu vulnérables dans la vie, confie Boisvert. Le personnage de Nicolas (Sébastien Boivin) fait son gros cool, mais il y a une vulnérabilité parce que sa blonde ne veut pas aller vivre avec lui. Et Valérie (Natasha M. Leroux), la fille qui est toujours confiante, on voit une certaine insécurité chez elle à la fin."

On pense aussi au couple où c’est le mari (Erwin Weche) qui pousse son épouse (Kina Beauchemin) à devenir échangiste, mais c’est finalement lui qui devient jaloux.

Si tous les personnages possèdent certaines nuances, l’impression dominante est quand même que Boisvert est dur avec les hommes, alors qu’il a de l’empathie pour les femmes, particulièrement celle interprétée par Diana Lewis: "C’est parce que je comprends mieux les femmes que les hommes, suggère Boisvert, même si j’en suis un. Tu vas prendre un café avec une fille, elle te raconte toute sa vie. Tu vas prendre un café avec un gars, il va te parler de hockey. Alors quand je viens pour écrire, j’ai cent pages de matériel sur les personnages féminins et j’ai quatre pages sur les gars!"

C.V.

Simon Boisvert a étudié en administration et possède une entreprise de traduction, mais il rêve de faire du cinéma depuis longtemps. Sans formation ni subvention, il se lance dans la scénarisation et la production de films dans lesquels il est aussi acteur: Stéphanie, Nathalie, Caroline & Vincent (2001), Vénus de Milo (2002) et Des gars, des filles et un salaud (2003). En 2005, il se charge aussi de la réalisation pour Barmaids, qui sera suivi d’Échangistes en 2007, première de ses productions à bénéficier d’une sortie en salle.

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