Marc Bisaillon : Témoin silencieux
Marc Bisaillon nous parle de La Lâcheté, son premier long métrage, qui sera projeté en primeur à l’occasion de la soirée de clôture du Festival de cinéma des 3 Amériques. Coupable par omission.
À l’origine de La Lâcheté: un drame survenu à Shawinigan, dans les années 1960. "Le personnage principal est inspiré de Marcel Bernier qui, à l’époque, avait été accusé de l’enlèvement de la jeune fille. Après, il a écrit ses confessions, où il disait que ce n’était pas lui. Puis, elles ont été publiées en 1977. Moi, j’en ai trouvé un exemplaire dans une boîte de livres à 50 cents, dans une station-service de Saint-Barnabé. Je suis tombé là-dessus et ça m’a beaucoup intrigué, relate le cinéaste Marc Bisaillon. Ce qui m’a vraiment marqué, c’est qu’il se disait non coupable du meurtre, mais coupable de lâcheté. Et j’ai trouvé ça intéressant de m’approcher de lui pour voir comment on en vient à oublier des valeurs fondamentales comme la justice, la vérité, au nom d’une passion amoureuse débordante." Bref, d’étudier le mécanisme de cet engrenage redoutable, dont le principe pourrait également s’appliquer au film, alors que, de drame en apparence anodin, il se mue graduellement en un récit pour le moins troublant. Ainsi y suit-on Conrad Tremblay (Denis Trudel), un bon père de famille timide et mal aimé, qui perd la tête pour Madeleine (Hélène Florent), une prostituée aussi inconsciente que manipulatrice dans sa quête d’une vie meilleure. Pour elle, il cultivera un silence coupable, préférant la lente insinuation du remords à l’impact brutal d’une dénonciation… "C’est librement inspiré parce que, ce qui m’intéressait, c’était de présenter ce personnage, de voir qui il était et de le rendre crédible à l’écran, ce qui n’aurait probablement pas été le cas si j’avais fait une adaptation telle quelle des événements", observe-t-il.
N’empêche, il a tout de même pris la peine d’éplucher les journaux de l’époque et les comptes rendus de procès. "À un moment donné, je me suis dit: "Il faut que j’arrête", se souvient-il. J’en avais assez pour faire trois films et un documentaire, mais ce n’était pas mon but. Ce que je voulais, c’était de m’inspirer de ça pour écrire une fable parlant de lâcheté. Car il me semble qu’il y a une grande part d’humanité là-dedans. Le défi était donc d’épurer le tout et de garder une ligne directrice pour qu’il y ait la fameuse montée dramatique. D’ailleurs, si j’ai placé la fin du film au début, c’est justement pour mettre la puce à l’oreille, montrer qu’il va se passer quelque chose." Des événements hors du commun qui, à l’instar du traitement privilégié, jouent d’abord un rôle de révélateur, obligeant le héros à se dévoiler sous un jour que même lui n’aurait sans doute jamais soupçonné. "Ça me passionnait de faire un film où le personnage principal était présent dans toutes les scènes, puisqu’à partir de là, on n’a pas le choix d’épouser son point de vue. C’est le genre de cinéma que j’aime parce que les acteurs sont mis en avant. J’ai voulu qu’il n’y ait pas trop de coupes inutiles et le plus possible de plans-séquences pour qu’on sente vivre les personnages du début à la fin des scènes, explique-t-il. Avec le directeur photo [Ivan Gekoff], on a pris le temps de faire de légers mouvements plutôt qu’un découpage très rapide, ce qui nous permet de rentrer lentement mais sûrement dans l’histoire. Et plus le film avance, plus… Il y a une gradation dans la dégradation de Conrad." En effet!
Le 1er avril à 17h30
Au cinéma Place Charest
Dans le cadre du Festival de cinéma des 3 Amériques