Vues d'Afrique : 101 façons de voir l'Afrique
Cinéma

Vues d’Afrique : 101 façons de voir l’Afrique

Vues d’Afrique propose, avec ses 23ième Journées du cinéma africain et créole, son (trop) touffu festival. Rencontre avec Costa-Gavras, scénariste de Mon colonel.

Fiction mettant aussi à mal la France, Mon colonel plonge dans le passé encore trouble et sensible de l’Algérie française. La guerre d’hier et le Paris d’aujourd’hui s’entremêlent, à travers l’enquête sur le meurtre d’un ancien militaire. "Le colonel est mort à Saint-Arnaud il y a 50 ans", dit la note laissée par l’assassin. Saint-Arnaud, 1957, c’est là que ce colonel a servi et c’est à travers le journal de son jeune aide de camp, peu militariste, que l’on revit cette époque.

Si Laurent Herbiet, le réalisateur, est peu connu, Mon colonel ne manque pas de célébrités lui donnant poids et crédibilité. Olivier Gourmet (l’acteur belge de Congorama) campe avec cran Raoul Duplan, l’antipathique militaire, et Robinson Stevenin (La Petite Lili), son frêle assistant. Cécile de France, Charles Aznavour et Éric Caravaca sont aussi de l’affiche. Et au scénario, Costa-Gavras.

Pour la première fois en 30 ans, Costa-Gavras (Amen) a écrit pour quelqu’un d’autre. Il s’est même un peu mêlé de la production, dont se charge habituellement sa femme. Tiré du roman éponyme de Francis Zamponi, Mon colonel porte tout de même les couleurs du vénérable cinéaste: film politique, trame à double revers, comportements éthiques douteux…

"Laurent est venu chez moi, dit Costa-Gavras, avec les droits sur le livre. Comme l’histoire m’a plu, j’ai voulu l’aider à bien faire ce film. J’ai voulu rendre le colonel différent."

Le volet contemporain n’existait pas dans le livre. C’est l’idée de Costa-Gavras qui fait alors du bourreau, le personnage de Gourmet, une victime, faible mais coupable. Il en profite aussi pour lancer ses flèches habituelles. Joint à Paris, il ne s’est pas fait prier, en anticolonialiste et pacifiste qu’il est, pour critiquer les politiques impérialistes, en France comme ailleurs.

Pour lui, auteur des célèbres Z et Missing, "l’Occident devrait s’occuper de ses affaires". "On le voit en Irak et en Afghanistan, dit-il. Il faut s’en aller avant que ça finisse très mal."

Le scénario de Mon colonel réactualise la question algérienne qui, d’après lui, souffre de l’oubli et de l’indifférence. "La France essaie de parler de cette époque. Il y a eu quelques documentaires, mais peu de fictions. Il y a toute une génération qui ignore tout de cette époque, je m’en suis rendu compte au moment de travailler avec les jeunes acteurs du film. Il faut tout leur apprendre."

L’ignorance est grave, estime-t-il. "Les Français de l’époque ne pensaient pas que l’Algérie pouvait être un pays. Ce n’était qu’une tribu, pas un État. Or, il existe aujourd’hui, cet État. Encore aujourd’hui, beaucoup ont cette perception. C’est dérisoire."

Costa-Gavras prépare actuellement un autre film "européen". Il reprendra le même discours social que son dernier, Le Couperet, où il a tenu, rappelle-t-il, à "démontrer que même la classe moyenne, les cadres et les professionnels, pas seulement les ouvriers, sont rejetés par le néolibéralisme sauvage".

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ALGÉRIE, RWANDA ET AUTRES ACTUALITÉS

Les Journées du cinéma africain et créole, pour leur 23e volet, se sont maquillées. Mais le nouveau titre (Pan-Africa International) et la nouvelle façon de faire (des thèmes mis de l’avant plutôt que des pays) ne changent rien au résultat. La liste est trop longue (101 films), les inconnues, toujours nombreuses et le risque de tomber sur un navet, fort élevé.

Bien sûr, il faudrait voir toute la programmation pour porter un véritable jugement. Mais pourquoi donc Vues d’Afrique s’entête-t-il à tout montrer? Une sélection plus serrée, des choix plus judicieux serviraient mieux la cause que, par exemple, le film d’ouverture. Malgré un sujet original (les Européens qui rêvent d’immigrer en Afrique), le futuriste Africa Paradis est faible à tous les niveaux. À fuir.

Les Oiseaux du ciel laisse croire que, côté fictions, le menu sera meilleur. L’inévitable thème de l’immigration est traité ici avec originalité, proposant deux récits parallèles. Notons la présence de Marie-Josée Croze en Parisienne ex-junkie.

Parmi les documentaires, il y en a un qui se démarque. D’abord parce qu’il tombe en pleine actualité, du moins chez nous: le Rwanda et sa triste année 1994. Pendant que le procès de Désiré Munyaneza fait nos manchettes, Kigali, des images contre un massacre pose la question du rôle des médias dans ce conflit. Le documentaire est réalisé par Jean-Christophe Klotz, caméraman présent lors du génocide qui a tenu, 10 ans après, à revoir les lieux du drame. Témoignages, images-clés et un montage fort habile pointent l’hypocrisie dont les pays riches, particulièrement la France, ont fait preuve. À quoi ça sert? se demande le journaliste au sujet de sa profession. "Trop près, dit-il, (c’est) la brûlure, trop loin, l’indifférence."

Du 19 au 29 avril, au Cinéma du Parc, au Cinéma Beaubien et au Cinéma ONF
www.vuesdafrique.org