Selon Charlie : Seuls ensemble
Selon Charlie est le sixième long métrage (déjà!) de Nicole Garcia, d’abord actrice. Comme dans L’Adversaire et Le Fils préféré, elle aborde plus d’un trait de la masculinité. Trop, peut-être, cette fois.
À l’instar des chefs de choeurs (féminins) que peuvent être Almodovar ou Michel Tremblay, Nicole Garcia propose une pièce à multiples morceaux. Un film choral, mais d’hommes. Et contrairement à l’oeuvre de ses lointains confrères, son Selon Charlie est porté par des voix discordantes: ici, les choristes ne se connaissent pas, ou si peu, ils ne se croisent que par hasard, ou alors, dans le cas où ils se fréquentent, c’est de manière oblique. Regards détournés, confrontations, silences et sourires forcés sont la manière de communiquer.
Avec une régularité étonnante, réalisant un film tous les quatre ans, Nicole Garcia revient dans un univers masculin. Après le troublant L’Adversaire, Selon Charlie s’avère cependant moins raffiné, malgré cette sensibilité pour la détresse humaine toujours présente. La cinéaste-actrice a certainement un don pour saisir la psychologie des personnages, et ici, elle est bien servie par sa troupe. Ce film en est un, avant tout, d’interprétation.
Principal hic: une multitude de drames, un trop grand nombre de protagonistes. Selon Charlie regroupe sept hommes, chacun ayant son propre désarroi, sa propre peur devant la perspective d’affronter la réalité. Ceux qui reprochaient jusqu’à tout récemment au cinéma québécois de se tisser autour de mâles mous et faibles n’avaient rien vu.
Un maire désabusé (Jean-Pierre Bacri) ne supporte plus son image publique, mais est incapable de l’assumer. Un père (Vincent Lindon), pris dans le piège de l’adultère, oblige son fils de 11 ans à le couvrir. Celui-ci, Charlie (Ferdinand Martin), torturé par le silence, se désintéresse de l’école. Son professeur de sciences (Benoît Maginel) est rattrapé par son passé lors de la tenue d’un colloque de paléontologie dans le bled où il s’est enfui. Mathieu (Patrick Pineau) est ce scientifique qui vient confronter les vieux démons. Puis il y a Joss (Benoît Poelvoorde), petit brigand en liberté conditionnelle, et Adrien (Arnaud Valois), as de la raquette qui n’en peut plus de l’obligation de performance.
Comme dans tout film choral, les destins se croisent et s’alimentent au hasard des rencontres. Mais plutôt que de bâtir sur la collectivité, Selon Charlie cible les individualités, porté par le thème de la solitude et du désir de chacun de changer sa routine. Certains cas manquent de profondeur, empiétant même sur d’autres, tel ce joueur de tennis un peu plaqué. La caméra, elle, se fait distante, filmant trop souvent en plan général, alors que la proximité du regard se justifiait.
Bien sûr, Nicole Garcia ne tient pas à l’exubérance d’Almodovar, mais sa retenue est trop… extrême? Le film s’annonce même, sur son site Internet, comme une comédie. Il est vrai que l’ironie assassine du maire ou le comportement agité et maladroit du brigand (airs connus chez Bacri et Poelvoorde) font (sou)rire. Mais l’essentiel n’est pas là. Bref, en voulant tirer de tous les côtés, la cinéaste nous laisse un peu sur notre faim.
À voir si vous aimez
Le Fils préféré de Nicole Garcia
Le Coeur des hommes de Marc Esposito