Flandres : L’amour vache
Flandres, de Bruno Dumont, offre une histoire d’amour inhabituelle où se confondent guerre, haine, jalousie et animosité.
Revoilà l’enfant terrible du cinéma français. Avec aplomb, et du plomb dans ses armes. Toujours inspiré et incisif, au style peu conventionnel, intensément tourné vers des personnages solitaires, ceux-ci étant incarnés avec grande authenticité par des non-professionnels. Avec Flandres, Bruno Dumont (L’Humanité) ajoute à cela un thème, l’actualité internationale.
Après l’escapade californienne de son précédent film, Twentynine Palms, Bruno Dumont revient dans ses terres: le nord de la France, ses vastes plaines, ses villages isolés, ses saisons froides. Sauf que les Flandres sont aussi, dans ce cas, le désert d’un pays lointain, sa guerre cruelle, sa chaleur torride.
On peut reprocher au cinéaste d’avoir abandonné son écriture à huis clos, ou même de profiter de la mode bien vue du pacifisme. Son saut dans le Sud (Irak? Afghanistan?) lui permet pourtant d’aborder autrement les thèmes qui lui sont chers (difficultés à communiquer, sociétés individualistes). Et la guerre qu’il filme est plus proche du Far West que de n’importe quel Oliver Stone.
Demester (Samuel Boidin), fermier sans initiative et peu loquace, et Barbe (Adelaïde Leroux), jeune femme oisive, disent n’être que copains-copains. Leur banale quotidienneté comprend des petites baises sans grande passion. Comme à son habitude, Dumont montre la sexualité en antithèse à l’amour. Flandres semble cependant moins violent que ses deux premiers films (La Vie de Jésus, L’Humanité). Bien que…
Réservistes, Demester et deux de ses copains sont appelés à se battre dans ce lointain pays non identifié. Là-bas, l’homme instinctif qu’il est se laisse entraîner dans les grandes bassesses humaines, tels le viol collectif ou l’abandon d’un compagnon blessé.
Quatrième film en 10 ans et Bruno Dumont poursuit avec brio une signature épurée, reposant davantage sur la force des images (véritables peintures, parfois) que sur les dialogues (peu nombreux) ou d’autres artifices (la musique, toujours absente).
La trame, subtilement narrative, est mince mais éloquente. Une histoire d’amour peu classique flotte au-dessus de ces Flandres de laquelle sort vainqueur le moins beau des princes. Et la tendresse met le point final à ce récit jusque-là distant et glacial. Comme quoi, même dans les plus sombres univers, il y a de l’espoir.
Flandres est peut-être le film le moins coup-de-poing de Dumont – on finit par s’habituer à sa lenteur, à ses silences et à son langage cru. Il prouve néanmoins qu’on est ici devant du grand cinéma d’auteur. À moins que ce ne soit du cinéma d’un grand auteur.
À voir si vous aimez
Bruno Dumont
Les frères Dardenne
Les films peu bavards