The Abandoned : L'amère patrie
Cinéma

The Abandoned : L’amère patrie

The Abandoned, de Nacho Cerdà, raconte une intrigante quête identitaire qui bascule dans l’horreur. Karim Hussain, scénariste, et David Kristian, compositeur, en témoignent.

Marie (Anastasia Hille), une Américaine dans la quarantaine, se rend en Russie à la recherche de ses racines. Elle découvre qu’on lui a laissé en héritage une maison décrépite, quelque part au fond des bois. Il s’agit de la demeure où elle a vu le jour, quelque 40 ans plus tôt. En faisant le tour du propriétaire, Marie rencontre Nikolai (Karel Roden), un homme qui prétend être son frère jumeau et qui, lui aussi, est venu fouiller le passé. Bientôt, les frangins sont témoins d’événements surnaturels qui les plongeront dans l’horreur. Quels terribles secrets recèle cette cabane inhospitalière?

The Abandoned de Nacho Cerdà exploite un sujet qui revendique plus de substance que le film de genre lambda. Misant sur les ambiances plutôt que sur les écrans de fumée, le long métrage démarre de façon assez conventionnelle pour tranquillement glisser vers des lieux moins fréquentés. Fondant ambitieusement le réel et le sublimé, le scénario se prête à diverses lectures – on en sort presque confus – et ne donne pas toutes les clés nécessaires pour résoudre l’énigme. Intrigant.

ATMOSPHÈRE, ATMOSPHÈRE…

Et qu’est-ce que The Abandoned a à offrir à un public de cinéphiles qui en a vu d’autres? Pour David Kristian, compositeur, "c’est un film qui a une maturité qu’on ne voit pas souvent dans le cinéma d’horreur de nos jours. Il n’est pas basé sur des effets spéciaux créés par ordinateur qui ne font peur à personne. Si on veut faire un film d’horreur qui a de l’impact, on doit travailler l’atmosphère, et le son, bien sûr…"

Karim Hussain, scénariste, dit d’abord avoir chercher à rompre avec l’approche narrative typique du genre. Il a aussi choisi des personnages d’âge mûr: "Je voulais faire un film avec des gens qui sont vides à l’intérieur. Seuls des personnages ayant un certain vécu pouvaient incarner ce vide."

Le réalisateur de La Belle Bête ajoute que la thématique de l’identité, pierre d’assise de The Abandoned, lui tient à coeur. "Je viens d’une famille un petit peu étrange, confie-t-il. Ma mère est québécoise et mon père, pakistanais. La période pakistanaise de ma vie me semble loin. Je me sens un peu comme le personnage de Marie. C’est ma quête à moi…"

Partant, on ne s’étonnera pas si la route empruntée par The Abandoned pour atteindre nos écrans tient de la course d’obstacles identitaire. Le scénario de Hussain, écrit en 1999, s’intitule à l’origine The Bleeding Compass. C’est à la même époque que le cinéaste commence à passer du temps en Espagne et se met à bosser pour le studio Filmax, aux côtés de Nacho Cerdà. "On a travaillé cinq ans sur un projet intitulé Oblivion, poursuit Hussain. À six mois du tournage, Filmax a dit que c’était trop cher pour un premier long métrage. J’ai proposé à Nacho de réaliser The Bleeding Compass. Le titre est devenu Bloodline, puis The Abandoned."

Et quoi encore? On vous épargne les tribulations subséquentes. Il faut quand même savoir que Filmax a exigé qu’on ampute le scénario de 40 %, avant d’imposer un compositeur qui ne faisait pas l’affaire. David Kristian est alors appelé à la rescousse: "C’était un remplacement de dernière minute. Pour des raisons techniques, mon nom n’est pas au générique d’ouverture." Ironie du sort, Hussain avait écrit la toute première version du scénario avec dans les oreilles la musique de Kristian…

Enfin, le film est sorti, fait son chemin et reçoit un accueil intéressé – on adore ou on déteste – là où il passe. La réception est particulièrement chaleureuse en France et aux États-Unis. Et au Québec? "Disons que mon cinéma n’a pas beaucoup en commun avec la plupart des gros succès commerciaux québécois, répond Karim Hussain. Ce n’est pas ma culture cinématographique. Je fais des films à ma manière. Si c’est plus apprécié à l’étranger, je vais là où le travail m’appelle…"

David Kristian aussi voit davantage de débouchés à l’international. "Il n’y a pas beaucoup de films de genre qui se font ici. Quoique je ne fais pas que ça: je viens de terminer un documentaire qui s’intitule American Psyche, sur la condition sociopolitique américaine, fait par Paul van den Boom, un Hollandais qui habite Montréal. Je n’ai pas vraiment de problème à travailler au Québec, ajoute-t-il, mais il n’y a pas énormément de projets. D’ailleurs, c’est un peu difficile de faire des choses plus poussées en postproduction. Pour faire des choses bizarres, il faut aller ailleurs (rires)."

Au cinéma du Parc dans le cadre de Midnight Madness, les 11 et 12 mai en présence de Karim Hussain, les 25 et 26 mai, en présence de David Kristian.

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