Les Anges exterminateurs : La jouissance des hystériques
Cinéma

Les Anges exterminateurs : La jouissance des hystériques

Dans Les Anges exterminateurs de Jean-Claude Brisseau, réalité et fiction s’entremêlent alors que le cinéaste explore la transgression des interdits érotiques.

Un réalisateur français réputé prépare un nouveau film, à travers lequel il espère percer le mystère du plaisir féminin. À cette fin, il invite une série d’actrices à passer des essais où il leur demande de se dénuder, physiquement, psychologiquement et au plan émotionnel. Quelques années plus tard, le cinéaste est placé en garde à vue à cause d’accusations de harcèlement sexuel déposées par des jeunes femmes à qui il a fait passer des essais mais qui furent écartées du tournage.

Dans un flagrant dédoublement entre la fiction et la réalité, cette histoire est à la fois celle de Jean-Claude Brisseau, condamné en 2005 pour des incidents survenus pendant la pré-production de Choses secrètes, et celle du protagoniste de son nouveau film, incarné par Frederic Van Den Driessche mais dont la voix en narration est celle de Brisseau lui-même. Les Anges exterminateurs est donc en grande partie un plaidoyer de la part du cinéaste, qui y expose sa version des faits. Son but avoué, selon ses déclarations pendant le procès, est de "filmer la montée du désir comme Hitchcock le faisait avec la peur." Quant aux essais avec les actrices, ils seraient nécessaires parce que ce n’est pas donné à toutes de pouvoir être sensuelles et troublantes à l’écran, même s’il estime qu’elles sont toutes exhibitionnistes dans l’âme.

Certains reprocheront sans doute à Brisseau d’avoir fait un film hagiographique et quelque peu misogyne. En effet, il fait de son alter ego un martyr qui n’y peut rien si les femmes, obnubilées par l’intelligence de son regard, exposent leur sexualité devant lui et, lorsqu’il les délaisse, deviennent jalouses et rancunières. On peut aussi douter de la véracité de l’intention de filmer ce qui se passe dans la tête des femmes et non ses propres fantasmes. Désirent-elles vraiment toutes secrètement se caresser devant des inconnus et explorer le lesbianisme?

Malgré tout ce bagage, ou peut-être à cause de lui, Les Anges exterminateurs est un film captivant. Qu’il comprenne le plaisir féminin ou non, Brisseau parvient indéniablement à le montrer de façon saisissante. Toutes superbes, les actrices (notamment Maroussia Dubreuil, Lise Bellynck et Marie Allan) s’abandonnent sans aucune pudeur apparente. Les nombreuses scènes érotiques sont très graphiques, sans être pornographiques toutefois. Elles s’apparentent plutôt à des tableaux, comme La maja desnuda de Goya. Et si ses conclusions sont contestables, les questions que se pose le cinéaste s’avèrent fascinantes.

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