Midnight Movies: From the Margin to the Mainstream : Minuit, le soir
Midnight Movies: From the Margin to the Mainstream rend hommage à six films cultes. Propos du réalisateur Stuart Samuels.
Avec la spécialisation continue de l’offre et de la demande cinématographique, les oeuvres marginales parviennent de plus en plus à rejoindre un public réceptif, aussi limité puisse-t-il être. Dans les années 70 toutefois, avant la venue de technologies comme la vidéo et l’internet, la façon privilégiée d’offrir une alternative aux films en programmation régulière était les séances de minuit, lesquelles pouvaient se permettre d’être plus étranges, extrêmes ou expérimentales.
Alors professeur de cinéma à l’Université de Pennsylvanie, Stuart Samuels a connu directement cette époque, qui lui a inspiré un livre (Midnight Movies, paru en 1983) et maintenant ce captivant documentaire, qui se penche sur six des films ayant le plus marqué le circuit des projections nocturnes.
Selon Samuels, le coup d’envoi du phénomène est donné en 1971 par El Topo, le western mexicain surréaliste d’Alejandro Jodorowsky: " Il y avait des films présentés à minuit auparavant, explique le documentariste, mais ce qui rend El Topo significatif est que ce n’était ni un film à formule ni un film inaccessible. C’était une oeuvre à la fois populaire et avant-gardiste, qui s’exprimait dans un langage qui n’avait rien à voir avec la culture traditionnelle. Tous ces films étaient faits en dehors du système, c’étaient des visions personnelles qui attiraient un public particulier, qui se réunissait de façon presque rituelle autour d’elles."
Après le succès improbable d’El Topo, qui est présenté à guichets fermés chaque nuit pendant six mois au cinéma Elgin de New York, les distributeurs se lancent à la recherche d’autres productions aptes à être lancées dans ce contexte, telles que Night of the Living Dead de George A Romero, un film de zombies aux accents politiques: "Les films d’horreur étaient alors une farce. Romero, par contre, était influencé par le style documentaire, le cinéma muet, le film noir."
Puis vient Pink Flamingos, une comédie spectaculairement outrancière de John Waters: "Il n’y a rien eu de comparable avant ou depuis, proclame Samuels, c’est l’équivalent de l’oeil tranché de Buñuel, mais en plus drôle! Quoique ça paraisse moins incroyable aujourd’hui, les personnages grossiers devenant de plus en plus présents dans notre culture. Divine est presque devenue timide en comparaison!"
Moins connu que les autres titres, The Harder They Come de Perry Henzell se démarque pour avoir été le premier film jamaïcain et avoir introduit le reggae aux États-Unis: "L’un des éléments qui rendent ce film extraordinaire est la musique, qui est devenue le symbole d’une culture."
L’année 1975 voit arriver sur les écrans The Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman, le film de minuit le plus couru jusqu’à ce jour, tenant l’affiche sans interruption depuis 30 ans: "Vous savez pourquoi le film continue de soulever autant les passions ? demande Samuels. Parce que c’est le seul qui se préoccupe d’une expérience universelle, le passage de l’innocence à la sexualité. Toutes les générations doivent faire cette transition, c’est pourquoi cette histoire continue d’avoir autant d’attrait."
Finalement, le documentaire de Samuels s’attarde à Eraserhead, l’inclassable premier long métrage de David Lynch: "Peu importe l’heure où on le regarde, on a l’impression qu’il est minuit. Si on s’y abandonne, c’est une expérience unique, à la fois traumatisante et séduisante."
Outre les auteurs des films abordés, qui ont tous été interviewés par Samuels, Midnight Movies: From the Margin to the Mainstream inclut des interventions d’exploitants de salles, du président de New Line Bob Shaye, qui a commencé en distribuant des films bizarres comme Pink Flamingos, et des critiques Roger Ebert, Jonathan Rosenbaum et James Hoberman. Ils contribuent tous à faire du film un bel hommage à une ère révolue… Enfin, pas tout à fait: le film sera entre autres présenté dans le cadre des séances Midnight Madness du Cinéma du Parc le 18 et le 19, en présence du réalisateur.
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