La Cité interdite : Ma 6-T va craquer
Dans La Cité interdite, fourmis et termites se livrent une guerre sans merci. Entretien avec le réalisateur Philippe Calderon.
La forteresse du peuple de l’ombre, habituellement imprenable, est soudainement vulnérable, une catastrophe naturelle ayant éventré une partie des murailles. Comble de malheur, l’armée ennemie de la Reine Noire, forte de 10 millions de soldats, est en marche. Un combat de titans s’annonce… Sauf que les titans en question ne font que quelques millimètres de long!
Voilà tout le génie de La Cité interdite (originellement La Citadelle assiégée lors de sa sortie en France), une "fiction animalière" qui parvient à être aussi enlevante que le siège de Helm’s Deep dans The Lord of the Rings, les hommes étant remplacés par des termites et des fourmis magnans faisant figure de monstrueux envahisseurs. "On a voulu reprendre les codes du film de genre, confie le cinéaste français Philippe Calderon, faire un vrai spectacle et, en même temps, apprendre des choses sur les insectes. On a utilisé la mise en scène et la fiction pour découvrir la réalité d’un monde méconnu. Ce n’est pas un film pédagogique, c’est un film d’action qui nous permet de nous plonger dans un univers parallèle qui est à la fois très proche et très loin de nous."
Une véritable tension dramatique se crée pendant le film, alors qu’on s’attache aux termites et qu’on s’inquiète face à l’avancée infatigable des fourmis. Pourtant, chaque espèce ne fait que suivre sa nature: "La notion de bien et de mal n’a aucun sens chez les insectes, précise le réalisateur. Il n’y a pas de morale, mais il y a quand même un parti pris pour le sédentaire, alors que le nomade est souvent le barbare. Ce sont des clichés inconscients, c’est une lecture que nous mettons là-dessus. On a joué la dramaturgie classique, remontant au théâtre grec. C’est un film qui ressemble un peu à un péplum, avec ces cités antiques assiégées et toutes ces colonnes de soldats. En même temps, c’est un film qui montre des forces brutes en action, parce que les insectes sont des automates. Ce qu’on voit, ce sont des mécanismes naturels qui se déploient."
Comment parvient-on alors à diriger des acteurs à six pattes qui n’ont ni conscience ni volonté individuelle? "Il y avait dans le tournage un côté film animalier classique, c’est-à-dire qu’il fallait être à l’affût et savoir saisir les comportements. On suivait pendant plusieurs jours une colonne de fourmis magnans dans la savane et puis à un certain moment, voilà, elles se mettaient à traverser une rivière. Le deuxième aspect, c’était de provoquer des conditions initiales pour que les événements voulus se produisent. Le dressage n’existe pas, mais au moyen de pistes d’odeur, par exemple, vous arrivez à les faire aller dans un sens ou dans un autre. Donc, on arrive à avoir des comportements naturels avec des moyens artificiels."
En plus de rappeler le film de guerre et le film catastrophe, La Cité interdite possède des caractéristiques du cinéma fantastique. Vue en gros plan, la reine termite, une masse globuleuse hypertrophiée pondant 30 000 oeufs par jour, est plus grotesque que n’importe quelle créature que pourrait imaginer Cronenberg. Les décors semblent aussi parfois surréels: "Il y a une disproportion colossale entre la taille de la termite et celle de la termitière, explique Calderon, c’est un côté qu’on retrouve un peu dans Metropolis de Fritz Lang. On a joué avec les lumières et, du coup, on a fait un véritable univers de science-fiction. Et ça marchait très bien aussi avec le fait que les insectes sont des automates, vous avez un peu affaire à des cyborgs, l’individu n’existe pas du tout."
L’ambiance sonore et la musique de Frédéric Weber contribuent aussi grandement à s’éloigner de la forme documentaire traditionnelle et à donner au film un souffle épique: "On a voulu faire une bande-son extrêmement sophistiquée qui entre en phase avec l’univers des insectes, qui est à la fois fascinant et terrifiant."
Philippe Calderon sera doublement présent sur nos écrans cet été. En effet, après s’être attardé aux fourmis et aux termites dans la savane du Burkina Faso, le cinéaste français s’est rendu au Lac-Saint-Jean pour tourner La Rivière aux castors, qui devrait sortir en salle en août: "C’est un film complètement différent, un conte pour enfants. Il s’agit de découvrir un milieu avec des animaux, c’est une fable animalière. J’ai pris beaucoup de plaisir à le faire parce qu’on a pu découvrir la forêt boréale, qu’on ne connaît pas bien en Europe", conclut le cinéaste.
À voir si vous aimez
Microcosmos de Claude Nuridsany et Marie Pérennou
Antz d’Eric Darnell et Tim Johnson
Les films de genre