Severance : Promenons-nous dans les bois
Dans Severance, les employés d’une multinationale d’armes passent un bien mauvais quart d’heure en forêt. Propos du réalisateur Christopher Smith, rencontré au Festival de Toronto.
L’an dernier, Fantasia présentait la Nouvelle Vague britannique, volet regroupant sept longs métrages d’horreur, dont The Descent de Neil Marshall et The Living and the Dead de Simon Rumley, parmi lesquels aurait très bien pu figurer la joyeuse et sanglante comédie d’horreur Severance de Christopher Smith. Qu’en est-il donc de cette fameuse Nouvelle Vague?
"On ne peut certainement pas comparer la Nouvelle Vague britannique à la Nouvelle Vague française, ce n’est pas aussi bon! lance le réalisateur. Avant, on donnait de l’argent pour les films à costumes de James Ivory et les "kitchen sink dramas" de Ken Loach ou Mike Leigh; depuis 15 ou 20 ans, on donne plus d’argent à plus de réalisateurs. Les producteurs ont découvert que les films d’horreur, surtout ceux des jeunes réalisateurs, étaient une industrie lucrative, que le film soit bon ou non puisque s’il échoue en salle, il pourra très bien être vendu à une chaîne spécialisée."
Mais encore? Smith poursuit: "Nous sommes tous des trentenaires qui ont grandi en regardant des slashers américains. Au moment de tourner nos premiers films, nous nous sommes rendu compte que les producteurs étaient souvent à la recherche de scénarios de films d’horreur. Comme nous aimions déjà le genre, c’était tout naturel que nous nous tournions vers celui-ci. D’ailleurs, plusieurs grands réalisateurs ont commencé dans l’horreur ou y ont touché, prenez Kubrick, Ferrara et Raimi, par exemple."
Campé en Hongrie, Severance met en scène des employés de bureau, dont la blonde et délurée Maggie (Laura Harris) et Steve (Danny Dyer), amateur de substances illicites et d’escortes est-européennes. Travaillant au département des ventes d’une multinationale d’armes, ceux-ci récolteront cruellement ce qu’ils ont semé lorsqu’ils seront aux prises avec des soldats mabouls.
C’est en affirmant que le scénario de James Moran était un croisement entre The Office et Deliverance que les producteurs ont pu séduire Smith: "Je dirais que cette phrase accrocheuse a également servi à préserver le ton et l’atmosphère durant le tournage. Lorsqu’on regarde cette série ou ce film, on se rend compte qu’ils sont réalistes et c’est ce que nous voulions faire pour Severance. Même s’il s’y produit des trucs complètement fous, tout est très ancré dans la réalité. Il n’y a pas de mort qui se relève dans Severance!"
Bien qu’au départ, les protagonistes féminines ne semblent faire office que de subalternes, quand ce n’est pas de passe-temps, ce sont tout de même ces dernières qui tiendront le gros bout du bâton. Féministe, monsieur le réalisateur? Le principal intéressé répond: "Maggie est le personnage le plus sensé de la bande, mais on ne la croit pas quand elle met ses collègues en garde contre le danger imminent. Lorsque les victimes tombent, les survivants se rangent de son côté et elle devient en quelque sorte le patron… et ça c’est vraiment cool. Je ne sais pas pourquoi c’est ainsi, probablement parce que j’aime tout simplement les filles, des films comme Alien… Cela dit, c’est le genre qui dicte ça aussi; Creep n’aurait pas tenu debout si ç’avait été un homme poursuivi par un autre homme dans le métro. Ça prend absolument une "survivor girl" dans un film d’horreur, et dans mon prochain film, Triangle, il y aura aussi un personnage féminin fort."
Au final, Severance évoque Hostel d’Eli Roth, sorti alors que Smith venait de terminer son deuxième long métrage ("nous avons à peu près le même bagage, c’est normal que nos films présentent une certaine parenté", se défend le réalisateur), pour ses scènes de torture, son humour d’ado en chaleur et sa façon paranoïaque d’illustrer l’Europe de l’Est, et Wilderness de Michael J. Bassett pour son côté sauvage et brutal.
Peuplé de personnages aux bouilles impayables, Severance se paie aussi le luxe de tracer à gros traits une critique de l’industrie de la guerre et de la banalisation de la violence. En somme, si l’ensemble ne parvient pas réellement à effrayer ni à faire réfléchir, le spectateur assoiffé d’humour britannique pourra tout de même se payer une pinte de bon sang. Le film parfait pour ceux qui aiment le slasher et le slapstick… le "slashtick", quoi!
À voir si vous aimez
Hostel d’Eli Roth
Wilderness de Michael J. Bassett
Shaun of the Dead d’Edgar Wright