L’Homme de cuivre : Pilier du jazz
Dans L’Homme de cuivre, Rénald Bellemare présente un portrait de Vic Vogel, l’un des jazzmen les plus importants de l’histoire de Montréal. Entretien avec le réalisateur.
Depuis 1984, Rénald Bellemare a collaboré à une quinzaine de films à titre de directeur de la photographie; il a aussi réalisé deux moyens métrages sur le Cirque du Soleil et a reçu en 2002 le Gémeau du meilleur documentaire des arts de la scène pour son film La Bottine Souriante: Comme des démons. C’est en travaillant à cette rétrospective de la carrière de l’ensemble, dont l’audacieux mélange de folklore et de jazz avait déjà 25 ans à l’époque, que le réalisateur a eu ses premiers contacts avec Vic Vogel: "Il faut savoir, explique-t-il, que dans l’équipe de La Bottine, la section des cuivres est constituée de musiciens qui travaillent depuis plusieurs années dans le big band de Vic. Je pense à Jean Fréchette (saxophone), Bob Ellis (trombone basse) et Jocelyn Lapointe (trompette). J’ai donc rencontré Vic parce qu’il avait une petite participation dans le film."
Comme on le constate aisément en voyant sa plus récente réalisation, la rencontre de Vic Vogel est certainement de celles qui marquent! Aussi Bellemare a-t-il décidé de s’intéresser de plus près au personnage, éternel poster boy du jazz montréalais (avec Oliver Jones), actif depuis des lustres sur les scènes prestigieuses comme dans les bars enfumés (à l’époque!) et dont la mémoire déborde de souvenirs nostalgiques et d’anecdotes juteuses. "J’ai commencé à le rencontrer en 2003, précise Bellemare, pour tourner la majorité du film en 2004 et 2005, puis peaufiner le tout en 2006."
Si L’Homme de cuivre offre un portrait biographique qui donne une bonne idée de ce qui anime le musicien, il ne s’arrête pas là: "Je voulais montrer un homme de 70 ans qui est encore très actif, passionné, et qui continue à stimuler des musiciens beaucoup plus jeunes que lui. Je trouvais cet aspect important et je voulais pouvoir le montrer en action."
TOUJOURS JEUNE
Évidemment, la relation d’intimité que Vogel a développée depuis des années avec les membres de son propre orchestre n’était pas idéale pour capter cet aspect du personnage; il fallait le voir dans une situation nouvelle, et le réalisateur a été chanceux: "Il a été invité à diriger l’Orchestre de jazz UER européen des jeunes pour une tournée célébrant le 80e anniversaire d’Oscar Peterson. Un orchestre créé pour l’occasion avec de jeunes musiciens qui ne se connaissaient pas et qu’il ne connaissait pas non plus. Il devait leur parler, leur dire ce qu’il attendait d’eux. J’ai évidemment saisi l’occasion!" On voit bien dans ces passages, comme le dit Vogel lui-même, qu’il demeure le plus jeune du groupe ("C’est moi qui se lève le premier et c’est moi qui se couche le dernier!").
Depuis ses premières gigs avec Oliver Jones ou Guy Nadon, dans les années 50, ses rencontres avec Oscar Peterson ou Duke Ellington, et jusqu’à sa fusion avec Gerry et Offenbach, Vic Vogel est demeuré un artiste résistant, un créateur intègre qui continue sans relâche à poursuivre sa muse. Le genre qui carbure à la musique et qui se conserve selon la méthode Gainsbourg (alcool et fumée!). "C’est une véritable force de la nature, opine Bellemare. Il connaît tout le monde en ville et tout le monde le connaît! Pour les musiciens, passer dans son big band, c’est aussi formateur, sinon plus, que d’aller à l’université. Et lorsqu’ils ont lancé le Festival de Jazz, Simard et Ménard ont pu compter sur son aide; il est vraiment un pilier du jazz montréalais."
Le réalisateur commence à réfléchir à son prochain film, point final d’une trilogie musicale commencée avec la musique traditionnelle de La Bottine Souriante et dont L’Homme de cuivre est le deuxième volet. "Je veux faire un film sur le blues. Je voudrais aller visiter les racines du blues avec quelqu’un d’ici, parce que nous avons aussi une belle tradition de blues. Alors c’est en développement."
Le film L’Homme de cuivre est disponible, en versions anglaise et française, sur l’un des deux DVD qui accompagnent le CD Je joue mon piano (VV Records), paru en mars dernier, avec aussi un making of qui contient des moments absolument savoureux (dont une rencontre, brève et impromptue, avec Leonard Cohen). Mais pour rendre justice à L’Homme de cuivre, il faut le voir au cinéma d’abord!
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