Adam’s Apples : La pomme, Dieu et les pépins
Avec Adam’s Apples, le cinéaste Anders Thomas Jensen nous cuisine une parabole religieuse pleine d’irrévérence. Rencontre avec l’acteur Nicolas Bro lors de son passage à Fantasia.
L’acteur danois Nicolas Bro était à Montréal la semaine dernière pour présenter trois films à Fantasia: Offscreen, dans lequel il interprète un comédien du nom de… Nicolas Bro ("Mon nom et ma profession sont réels, le reste est de la fiction!" précise-t-il avec son accent scandinave à couper au couteau); Uro, une production norvégienne ("Ces deux peuples sont très proches: quand je parle danois, les Norvégiens comprennent, et vice versa"); et Adam’s Apples, qui prend l’affiche à Montréal tout juste une semaine après son passage au festival.
Écrit et réalisé par Anders Thomas Jensen, Adam’s Apples s’inspire du Livre de Job, cette figure biblique dont les possessions, la famille et la santé sont dérobées par Satan, qui désire mettre sa foi en Dieu à l’épreuve. Embrassant à la fois un ton fortement irrévérencieux et une certaine forme de piété, le film pivote autour de la lutte spirituelle entre Adam (Ulrich Thomsen), un skinhead envoyé en maison de transition, et le pasteur de cette dernière, Ivan (Mads Mikkelsen), qui louange imperturbablement le Seigneur malgré la mort de sa mère en l’enfantant, les abus sexuels par son père, le handicap de son fils, le suicide de son épouse et un cancer terminal! L’opposition entre les deux individus se cristallise lorsque l’homme de Dieu charge le néonazi de s’occuper du pommier poussant devant la chapelle et, lorsque les fruits seront mûrs, d’en faire une tarte.
Bro interprète un des autres ex-détenus qu’Ivan tente de réhabiliter, Gunnar, un violeur cleptomane et alcoolique qu’il joue avec une douceur étonnante, le rendant presque sympathique: "D’une certaine façon, c’est un gentil garçon, estime l’acteur. Il n’est pas si dangereux, sauf quand il est vraiment saoul!" Va-t-il jusqu’à considérer Gunnar comme une bonne personne? "Je ne crois pas qu’il y ait aucun personnage dans les films d’Anders Thomas Jensen qui soit bon. Ils sont toujours un peu psychopathes. Même le prêtre, il tente d’être vertueux mais il ferme les yeux sur la violence."
Avec son style visuel soigné et ses tableaux pastoraux en cinémascope, Adam’s Apples s’éloigne du courant Dogme qui a marqué le cinéma danois. Jensen jongle savamment avec différents registres, passant du mélodrame cruel à la Lars von Trier à l’humour tordu et aux éclats de violence imprévisibles des films des frères Coen. Selon Bro, "Adam’s Apples est le plus près de ce à quoi Jensen aspire. Ça fait longtemps qu’il essaie de faire quelque chose de similaire, peut-être pas aussi religieux, mais avec ce mélange de genres, ce mélange de comédie et de fantaisie".
Lorsqu’on demande à Bro s’il pense jouer prochainement un ennemi de James Bond, comme l’ont fait avant lui Thomsen et Mikkelsen (respectivement dans The World Is Not Enough et Casino Royale), il répond en rigolant: "J’espère! Je serais intéressé à faire des films aux États-Unis ou au Royaume-Uni, même si c’était des petits rôles. Par contre, je joue beaucoup au théâtre à Copenhague, alors c’est plus difficile d’aller tourner à l’étranger", conclut-il.
À voir si vous aimez
Breaking the Waves de Lars von Trier
Les films des frères Coen
One Flew Over the Cuckoo’s Nest de Milos Forman