Fantasia : Horreur au quotidien
Cinéma

Fantasia : Horreur au quotidien

Cette semaine à Fantasia: Chimères, télé-réalité, rats mutants, poulets zombies et tricot!

Bien que le cinéma fantastique occupe toujours une place de choix dans la programmation, Fantasia diversifie de plus en plus son offre. Cette année, par exemple, le festival inaugure la section Documentaries from the Edge, dont fait partie Ghosts of Cité Soleil, d’Asger Leth, une oeuvre magistrale qui nous plonge dans l’endroit que l’ONU a déclaré le plus dangereux du monde. Le film s’apparente à Cité de Dieu, tant dans la pauvreté et le climat de violence qui y sont dépeints que dans le style visuel fébrile. Sauf que, incroyablement, il n’y a pas de mise en scène ici, les évènements sont capturés spontanément, souvent au risque de la vie du documentariste. Ce dernier est témoin du chaos constant entourant Cité Soleil et le reste d’Haïti vers la fin du règne d’Aristide et, plus précisément, du drame qui se trame entre deux frères, 2pac et Bily, leaders ennemis des gangs qu’on surnomme les Chimères. Une véritable tragédie shakespearienne se déroule sous nos yeux, littéralement triste à mourir, car on sait qu’aucune fin heureuse n’est possible dans cet environnement infernal. Soulignons que Wyclef Jean, qui est obliquement impliqué dans le récit, signe l’excellente musique du film. (12 et 13 juillet)

UN MUST

Annoncé par Mitch Davis comme LE film à voir au festival cette année, 13 Beloved, du Thaïlandais Chookiat Sakweerakul, ne déçoit pas. Dans l’esprit de The Game, de Fincher, mais en beaucoup plus tordu, cette comédie noire présente un employé de bureau apparemment ordinaire qui, lorsqu’il est sélectionné comme candidat d’un jeu de télé-réalité, se révèle prêt à briser tous les tabous. Devant la promesse de considérables prix en argent s’il passe 13 épreuves, l’homme tue une mouche, fait pleurer des enfants, puis continue d’accomplir des tâches de plus en plus grotesques, ce qui donne lieu à plusieurs scènes d’anthologie. (14 et 15 juillet)

Le très prolifique Johnny To raconte dans Exiled une histoire de gangsters qui, bien qu’en apparence des plus conventionnelles, multiplie habilement les fausses pistes et les revirements inattendus. La séquence d’ouverture, une confrontation tendue digne des westerns de Sergio Leone, vaut à elle seule le prix d’entrée, mais les autres fusillades du film s’avèrent tout aussi brillamment mises en scène, et la finale est à la fois explosive et poignante. (17 et 18 juillet)

DES RATS ET DES HOMMES

Dans Mulberry Street, un croisement entre Willard et 28 days later, Jim Mickle imagine les conséquences d’une invasion de rats mutants dont la morsure transforme les humains en créatures meurtrières. Cette prémisse douteuse et l’utilisation récurrente d’images sombres et verdâtres peuvent initialement rebuter, mais le film possède une vaste portée allégorique, avec des échos à l’anarchie et la paranoïa du New York de l’après 11 septembre, à la réponse inadéquate des autorités et services d’urgence après le passage de l’ouragan Katrina et à la guerre en Irak. Habité par la mélancolie, voire le nihilisme, ce drame d’horreur renferme néanmoins quelques passages jouissifs, en grande partie grâce au dur à cuire Clutch (interprété par le coscénariste Nick Damici), un ex-boxeur moustachu qui refuse de se laisser intimider par ces saloperies mi-homme, mi-rat. (14 et 15 juilllet)

Le Coréen Won Shin-yeon nous offre A Bloody Aria, un thriller qui démarre de façon classique, alors qu’un professeur et une étudiante font un détour malheureux dans un coin reculé et deviennent les proies d’individus sordides. Mais après une mise en place laborieuse, la tension explose, alors que le principal antagoniste, brillamment interprété par un Lee Mun-Sik tour à tour jovial et terrifiant, s’avère encore plus dérangé qu’on ne le croyait. Dans la même lancée, le film se révèle être une réflexion déconcertante sur le cercle de la violence, avec des pointes d’humour des plus virulentes. (12 et 16 juillet)

DU BON POULET!

Lloyd Kaufman, le créateur de The Toxic Avenger, nous revient avec Poultrygeist: Night of the Chicken Dead, dans lequel des poulets zombies terrorisent Tromaville à la suite de la construction d’une rôtisserie sur un cimetière ancestral indien. Ceci résulte en un flot incessant de gore, de nudité gratuite et d’humour de mauvais goût, évidemment, mais aussi à de délirants numéros musicaux et à des éléments de critique sociale semblables à ceux de Fast Food Nation. (14 juilllet)

Assez noir et violent pour faire passer Sin City pour une bande dessinée d’Archie, Deaden, du Montréalais Christian Viel, compense pour son budget microscopique avec une succession ininterrompue d’effets scabreux et d’emprunts assumés aux clichés des vieux films d’action. Dans le rôle d’un ex-flic déterminé à se venger des salopards qui ont tué sa femme enceinte, John "Arrow in the Head" Fallon (qui signe aussi le scénario) a peu à envier à Steven Seagal! (14 juilllet)

TRICOT MACHINE

Dans une maison ensevelie sous le bric-à-brac qu’elles s’acharnent à amasser, deux vieilles recluses sont perturbées par l’intrusion d’une mystérieuse jeune fille obsédée par le tricot, qui réveille des souvenirs d’enfance troubles chez elles. La prémisse suggère un énième film de fantômes japonais, mais Wool 100 %, de Mai Tominaga, prend plutôt les allures d’un conte, porté par une direction artistique foisonnante, quelques séquences animées et des performances d’actrices peu loquaces mais très expressives. (15 juillet)

Mentionnons aussi en rafale le sympathique film de super-héros postmoderne Hero Tomorrow (15 juilllet); Gary’s Touch, une excursion dans la démence et la perversion (Small Gauge Trauma 2007, 12 juillet); et Les objets dans le miroir sont plus près qu’ils ne le paraissent, de Kim St-Pierre, dans lequel un curieux individu (surprenant Patrick Masbourian) embarque une jeune femme sur le pouce (en première partie de Sakura no kage, 16 juilllet).

QUE LA CRAP SOIT AVEC VOUS!

Finalement, si vous faites une overdose de bons films, l’événement spécial du vendredi 13 juillet est pour vous. Après s’être affrontés à SPASM l’automne dernier, DJ XL5 et les gars de Total Crap croiseront à nouveau le fer (ou plutôt des extraits hilarants du pire de la télé et du cinéma) pendant Fantasia. "Lorsque j’ai avisé mon gérant, mon entraîneur et mon avocat, Steinberg, Wiseberg et Greenberg, de la revanche contre Total Crap, ils ont éclaté de rire en disant, Total Crap, le nom le dit, tu as de bonnes chances de les flusher, accepte le combat", raconte DJ XL5, ce à quoi Simon Lacroix, de Total Crap, réplique: "On n’a jamais dit qu’on est les meilleurs; au contraire, on est les pires du pire, et tout ce qu’on présente, c’est mauvais. Et si quelqu’un paye pour nous voir en pensant que c’est bon, il n’est vraiment pas à la bonne place." Vous êtes avertis!

Jusqu’au 23 juillet, à l’Université Concordia.
www.fantasiafest.com