L’Homme de sa vie : À la verticale de l’été
Dans L’Homme de sa vie, de Zabou Breitman, Charles Berling incarne un redoutable séducteur qui sème l’émoi chez un homme toujours amoureux de sa femme. Brève rencontre à Paris avec l’acteur.
Actrice de talent, trop souvent reléguée à jouer les faire-valoir, Zabou Breitman épatait la galerie en 2001 avec Se souvenir des belles choses, joli film sensible sur la perte de la mémoire, où elle dirigeait avec finesse l’exquise Isabelle Carré et Bernard Campan, vu avec ses comparses des Inconnus, Pascal Légitimus et Didier Bourdon, dans d’oubliables comédies (Trois frères, Le Pari, etc.).
Véritable révélation du film, l’humoriste avait mérité une mise en nomination comme meilleur acteur aux César. Dans L’Homme de sa vie, co-écrit par l’actrice et scénariste Agnès de Sacy (Il est plus facile pour un chameau… de Valérie Bruni-Tedeschi), où il interprète Frédéric, homme croyant au couple qu’il forme avec sa femme Frédérique (merveilleuse Léa Drucker dans un rôle effacé), Campan est une fois de plus touché par la grâce. Le fait d’être actrice ferait-il de Zabou une metteure en scène plus sensible?
Charles Berling, qui incarne avec justesse et un soupçon de désinvolture Hugo, l’homme qui viendra ébranler les convictions de Frédéric sur l’amour, n’en doute pas un instant: "Je pense que ça se voit vraiment bien qu’elle est actrice, et bonne actrice en plus. Du coup, elle sait que si elle nous fait jouer, Bernard et moi, à telle heure du matin, cela aura une influence sur notre façon de parler, de nous tenir. Bernard et moi, on n’est pas tombés amoureux l’un de l’autre, loin de là, mais on a développé une complicité. Sa façon de faire du cinéma part du fait qu’elle est actrice. J’avais repéré, en faisant un film avec Depardieu, qui avait tout de suite l’instinct d’aller dans le concret de la matière, que les acteurs sont très sensibles à ça."
Cette scène à laquelle réfère l’acteur, c’est ce long dialogue, suivant un repas en famille bien arrosé, qui se poursuivra jusqu’à l’aube, entre le mari fidèle et le séducteur impénitent où tous deux échangent des considérations sur l’amour et la sexualité. Tout au long de cette scène, qui vient entrecouper ce récit épousant parfaitement le rythme nonchalant et la langueur propres aux vacances d’été à la campagne, Hugo se plaira à vouloir choquer Frédéric par sa vision pessimiste, voire nihiliste, sur le couple. Moins bon orateur que son voisin, Frédéric soutiendra toutefois son point de vue… en théorie.
Le séduisant acteur avance: "C’est un film qui fait réfléchir. C’est vrai qu’il y a des gens stables, mais je trouve qu’il y a beaucoup de gens qui se retrouvent seuls, des couples qui se brisent et se reforment, des gens qui aspirent plus ou moins à la solitude. Ce qui est beau dans le film, c’est que chaque personnage va défendre un point de vue, et l’histoire va le montrer allant à l’inverse. Et c’est ça, pour moi, qui en fait un film d’amour parce que l’amour est là pour bousculer, transformer, déconstruire, surprendre l’autre et soi-même. Malgré leur condition, je dirais même par-delà leur condition, l’amour va bouleverser les personnages."
La délicatesse avec laquelle la réalisatrice dirige ses acteurs n’a d’égale que sa façon de concevoir son film. Pleine de finesse et de jolies trouvailles, sa réalisation fait fi de la temporalité en jouant sur les flash-back, les répétitions, les changements de points de vue tout en misant sur quelques fantaisies esthétiques, lesquelles échappent de justesse à devenir d’agaçants caprices de mise en scène.
"Je retire de cette aventure que le cinéma doit être toujours plus ludique et inventif. Zabou, par sa façon de filmer et de tourner, m’a donné confiance en le fait que les aventures singulières permettent de défendre des principes en dehors de certaines conventions", conclut Charles Berling.
Les frais de ce voyage ont été payés par Unifrance
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