Festival des Films du Monde : Prenez vos places
Du 23 août au 15 septembre, le Festival des Films du Monde fait une grande place aux cinéastes québécois de la relève.
Lors de cette 31e édition, dédiée à la mémoire d’Ingmar Bergman, 230 longs métrages de 70 pays seront présentés. Du lot, on remarque un nombre non négligeable de films québécois, sans toutefois y retrouver les derniers-nés de cinéastes confirmés tels qu’Arcand, Girard et Émond (l’exception étant Fernand Dansereau, qui présentera La Brunante, en plus d’être l’objet d’un hommage). En conférence de presse, les dirigeants du festival, Serge Losique et Danièle Cauchard, ont affirmé vouloir plutôt miser sur la relève.
Outre Bluff en ouverture (voir notre texte), Toi de François Delisle (dont nous vous avons parlé la semaine dernière) et Surviving My Mother d’Émile Gaudreault (dont nous vous reparlerons bientôt), on dénote la présence de plusieurs productions de l’Office National du Film dans la sélection documentaire. Les Épouses de l’armée, première réalisation de Claire Corriveau, elle-même mariée à un militaire, est un film très d’actualité sur le sort de ces femmes qui ne savent jamais quand leur homme va partir ou quand il va revenir. (27-29 août; 2 sept.)
D’autre part, Marie-Claude Lamoureux de l’ONF nous avait promis un "vrai petit bijou" en Un dimanche à 105 ans, et il est effectivement difficile de résister à ce portrait que Daniel Léger a fait de sa grand-mère, une centenaire au parler des plus colorés. (26-27 août; 2-3 sept.)
LA LOGIQUE DU REMORDS
Bien que limité par un budget de seulement 3400 $, Martin Laroche s’affirme avec ce premier film comme un nom à surveiller – et à ne pas confondre avec celui du comédien, à qui il n’est pas apparenté: "L’an passé, raconte-t-il, j’ai travaillé sur le plateau de François en série, et parfois je pensais que c’était mon nom sur la feuille d’appel mais c’était le sien… J’aurais aimé avoir son salaire, mettons."
La Logique du remords met en scène une confrontation tendue entre deux hommes, isolés dans un sous-sol. L’un d’eux est le père (Antoine Touchette) d’une fillette ayant été violée et tuée, l’autre est le monstre (Denis Faucher) coupable de ces actes, attaché devant lui. À partir de cette prémisse, on pourrait ne s’attendre qu’à une simple histoire de vengeance, gravitant autour d’un interrogatoire et de diverses tortures, mais le récit que Laroche nous concocte est beaucoup plus fascinant.
Débutant avec quelques mots en espéranto et une citation de Marc-Aurèle ("Les hommes sont faits les uns pour les autres, donc instruis-les ou supporte-les"), ce film d’horreur psychologique annonce d’emblée des intentions plus philosophiques que sensationnalistes. On découvre, à travers les retours en arrière qui parsèment le huis clos, que le père en deuil s’oppose intellectuellement et moralement à l’idée de se faire justice lui-même. Comment en vient-il à se rabaisser consciemment au niveau de quelqu’un capable de tuer froidement? La réponse risque de vous troubler profondément.
Pour Laroche, le processus de création a été assez rapide: "L’idée a mûri dans ma tête pendant un bon bout, se rappelle-t-il, mais quand j’ai décidé de la coucher sur papier, je l’ai écrite en deux mois puis je l’ai tournée tout de suite après." Il a appris que son film avait été accepté par le FFM tout aussi spontanément: "C’est Serge Losique qui m’a appelé et, sérieux, pendant à peu près 10 secondes, je me demandais lequel de mes amis me niaisait. Finalement, c’était vraiment lui; une chance que je n’ai pas dit: "Heille Alex, ferme donc ta gueule!"" (30-31 août; 1er sept.)
KILLING HOSTAGE
Il y a deux ans, Robert Rudmann a foulé le tapis rouge du FFM pour présenter son premier film, Hollywood 101. Il a tellement apprécié son expérience qu’il s’est immédiatement lancé dans la production d’un autre court métrage pour pouvoir revenir au festival, ce qu’il fera dans quelques jours avec Killing Hostage: "En 2005, explique Rudmann, après le festival, j’ai commencé à broder une idée. En janvier 2006, j’ai approché un directeur photo, Richard Laniel. Il a lu le scénario, puis la première chose qu’il m’a dite, c’est: "Écoute, il faut qu’on fasse ce film-là. Je ne sais pas comment on va le faire, mais il faut qu’on le fasse!" Ça m’a beaucoup motivé."
Comme le titre le suggère, Killing Hostage implique une prise d’otage, mais les motivations des personnages diffèrent de ce qu’on pourrait croire à première vue: "Je voulais opposer un musulman et une juive, mais plutôt que ce soit des fanatiques, je voulais que ce soit un message d’espoir. Le fait qu’il donne sa vie pour rendre justice, je trouvais que c’était une tournure intéressante du sacrifice au nom d’un dieu." (26-27-28 août)
LA LILI À GILLES
Avec près d’une dizaine de courts métrages à son actif (dont The Pick-up, nommé meilleur court de l’année par l’AQCC en 2005), peut-on encore parler de David Uloth comme faisant partie de la relève? "Je ne sais pas si tu peux être un cinéaste établi sans faire de long métrage, s’interroge Uloth, mais c’est vrai que j’ai fait beaucoup de courts." Sa plus récente réalisation, La Lili à Gilles, est le seul titre québécois francophone dans la compétition mondiale de courts métrages au FFM cette année, ce qui fait remarquer à Uloth que "c’est un peu drôle que ce soit un anglophone qui l’ait fait"!
Uloth décrit son film comme "un drame familial avec des moments durs, mais du point de vue d’une petite fille (Marie-Félixe Allard) qui voit les choses un peu comme un conte, avec des moments de réalisme magique. Elle voit la chicane entre son père (Jean-Philippe Pearson) et son grand-père (Pierre Collin) et elle essaie de comprendre ce qui se passe."
L’aspect le plus mémorable de La Lili à Gilles est probablement le mélange très particulier de joual et de poésie des dialogues: "Ça, c’est grâce à la scénariste Chloé Cinq-Mars, qui a vraiment travaillé fort pour trouver une langue qu’on n’entend pas souvent au cinéma." (28-29 août)
Pour la programmation complète: www.ffm-montreal.org