Les Vacances de Mr. Bean : Un Anglais et le continent
Cinéma

Les Vacances de Mr. Bean : Un Anglais et le continent

Les Vacances de Mr. Bean , de Steve Bendelack, marque le retour au grand écran du lunatique personnage testé par Rowan Atkinson au Festival Juste pour rire en 1989. Tête-à-tête avec l’affable acteur britannique lors de son passage éclair à Montréal.

Vous rappelez-vous du générique de la série Mr. Bean? On y voyait l’hurluberlu Londonien tomber du ciel au son de Ecce homo qui est faba (Voici l’homme qui est un haricot) chanté par la chorale de la Southwark Cathedral. Quelle était donc la nature de cet être étrange, mi-homme, mi-enfant? Ange déchu ou Martien perdu? Confortablement installé dans une suite élégante d’un hôtel du Vieux-Montréal, Rowan Atkinson évoque la genèse du personnage qu’il était venu présenter à Just For Laughs en 1987, puis, charmé par le bilinguisme du festival, à Juste pour Rire en 1989:

"Il y a plusieurs questions que Richard Curtis et moi nous sommes posé à propos de l’origine de Bean et qui sont demeurées sans réponse. Nous aimions l’idée qu’il était l’homme qui venait d’ailleurs. En fait, il s’agissait d’une métaphore exagérée de l’expression "être un poisson hors de l’eau". Je dirais que nous ne nous sommes jamais vraiment assis pour réfléchir à son nom, à sa façon de s’habiller, de parler, d’agir. Le personnage a tout simplement évolué d’une situation à l’autre où je ne pouvais pas m’exprimer verbalement. Grâce à cette contrainte, je suis devenu plutôt spontanément et naturellement ce personnage."

UN SUCCÈS INTERNATIONAL

Peu bavard et très gaffeur, Mr. Bean est par la suite devenu le sujet d’une série télé de 14 épisodes d’une demi-heure diffusés en Angleterre de 1990 à 1995. Le succès fut si retentissant que plus d’une centaine de pays ont alors acheté Mr. Bean. À l’instar des Charlie Chaplin et Monsieur Hulot, Mr. Bean avait conquis le coeur de millions de spectateurs sans dire, ou presque, un mot. Comment expliquer un tel phénomène?

Celui qui, contrairement à son personnage, a le verbe fluide et généreux tente une explication: "Prenez Charlie Chaplin, Stan Laurel et Benny Hill, ils possèdent tous un côté enfantin, ils sont comme des "idiots savants". En fait, ils ont l’air stupide, mais ils sont très intelligents. Pour moi, la clé de la comédie visuelle, c’est d’incarner un personnage naïf et enfantin; je crois que c’est ce que nous avons tous en commun et ce qui accentue l’aspect universel de nos personnages. L’humour physique et le fait de ne pas parler ne garantissent pas l’acceptation internationale, mais y aident beaucoup. Ce dont vous avez besoin, c’est d’un personnage auquel les gens puissent s’identifier, dans lequel ils retrouvent ce qu’ils étaient enfants."

MADE IN USA

Avec un tel succès, il était inévitable que Mr. Bean fasse l’objet d’un film en 1997. Malheureusement, bien qu’il fut réalisé par l’Anglais Mel Smith, Bean dénatura, voire américanisa le lunatique britannique. Ainsi, celui-ci, au contact d’une famille américaine, devint plus loquace, généreux et empathique. Plusieurs fans ont boudé, avec raison, ce premier essai au grand écran.

Rowan Atkinson abonde dans ce sens: "Beaucoup de gens ont pensé ainsi… même nous à un certain degré. Nous avons fait trop de compromis, lesquels fonctionnaient d’une certaine façon, mais en ce qui concerne le personnage, il y en a eu trop. Nous l’avons toujours préféré peu bavard. En fait, c’est ce qui a été notre principale inspiration pour Les Vacances de Mr. Bean , soit de l’envoyer dans un pays, la France, dont il ne maîtrise pas la langue. De là l’obligation de raconter l’histoire visuellement et de le mettre en relation avec un autre personnage ne connaissant ni l’anglais ni le français, Vicar (Steve Pemberton), le gamin russe, et l’actrice Sabine (Emma de Caunes), qui ne comprend pas le russe et qui ne sait pas que Bean est Anglais. C’était donc une décision consciente de faire un film plus européen dans son essence."

DOUCE FRANCE

Sage décision s’il en est une, car si le film de Steve Bendelack, surtout connu comme réalisateur de séries d’humour à la télé (Spitting Image, French and Saunders, Little Britain), ne réinvente pas la roue, il a comme grande qualité de laisser intact le bien-aimé personnage. Sans aller jusqu’à dire que Les Vacances de Mr. Bean s’apparente à un long épisode de Mr. Bean, celui-ci respecte davantage l’esprit ludique et absurde de la série que ne l’avait fait le précédent film.

Avec une intrigue ténue, Les Vacances de Mr. Bean propose un voyage en France quelque peu insolite sur les traces de Mr. Bean, qu’incarne un Atkinson dangereusement en forme, heureux gagnant d’une caméra vidéo et d’un voyage sur la Côte d’Azur. D’un quiproquo à l’autre, le distrait touriste croisera d’abord un garçon de café zélé (amusant Jean Rochefort, trop peu utilisé… au grand dam d’Atkinson lui-même), le fils d’un cinéaste russe qu’il sera bientôt accusé d’avoir kidnappé, une starlette française et un cinéaste américain mégalomane (Willem Dafoe, plutôt drôle dans ce contre-emploi).

"En fait, nous voulions traiter de ce qui est vrai, de ce qui ne l’est pas et du regard que l’on porte sur les choses, se souvient l’acteur. Je pense que c’est plutôt amusant de découvrir le monde du point de vue de Bean. L’idée de base, c’était de montrer des gens qui font l’expérience de la caméra plutôt que de la vie. Plutôt que de regarder directement l’objet, il le regarde à travers l’objectif. D’une certaine façon, je trouve que c’est triste que certaines personnes ne puissent vivre quelque chose sans l’enregistrer. C’est comme s’ils ne l’avaient pas vraiment vécu." Si les situations et les rebondissements ne font pas toujours rire aux éclats, force est de reconnaître que le charme de Bean opère encore, parfois même au détriment des autres acteurs, dont Atkinson salue le courage et la générosité d’avoir accepté de jouer au côté d’un personnage centré sur sa propre personne. D’un charme désuet rappelant les comédies de l’époque du muet, le film s’avère somme toute un gentil au revoir à un personnage que Rowan Atkinson, maintenant âgé de 52 ans, a envie de laisser derrière lui.

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