Festival des Films du Monde : Pour quelques bobines de plus
Cinéma

Festival des Films du Monde : Pour quelques bobines de plus

Le Festival des Films du Monde se poursuit jusqu’à lundi. Voici quelques suggestions de fin de parcours.

VENT MAUVAIS
(France, Stéphane Allagnon)

Dans un village côtier frappé durement par une tempête et une série de pannes électriques, le gérant d’un supermarché (Bernard Le Coq) dont le système informatique n’a pas tenu le coup appelle à la rescousse un technicien intérimaire (Jonathan Zaccaï, sosie de Daniel Boucher). Ce dernier découvre que l’entreprise est victime de fraude interne mais, plutôt que de dénoncer les coupables, il décide de réclamer sa part du gâteau. Ce premier long métrage de Stéphane Allagnon est l’un de ces délectables polars français à la démarche délibérée et circonspecte, qui se laisse découvrir au fil d’une intrigue drôlement bien fignolée. La présence de Zaccaï, avec son visage expressif aux airs mi-charmeurs, mi-magouilleurs, contribue aussi grandement au plaisir qu’on retire du film. Coup de coeur. (30-31 août; 2 sept.)

COBRADOR, IN GOD WE TRUST
(Mexique, Paul Leduc)

À New York, un ancien mineur brésilien (Lazaro Ramos, dans une performance presque muette) bat son dentiste à mort, puis continue de commettre des actes violents aléatoires. À Miami, un millionnaire (Peter Fonda) tue des femmes en leur fonçant dessus avec son VUS, tel un équivalent plus friqué de Stuntman Mike dans Death Proof. Au Mexique, une photojournaliste argentine (Antonella Casto) vit de l’intérieur les manifestations antimondialisation. Comment ces histoires sont-elles connectées? Le film de Paul Leduc ne présente pas vraiment de réponse satisfaisante. Les personnages en viennent à se croiser, certes, mais thématiquement, son propos semble confus et éparpillé. Le cinéaste aspire apparemment à créer une fresque à caractère sociopolitique du type de celles de son compatriote Alejandro González Iñárritu, mais Cobrador, bien qu’occasionnellement captivant, est beaucoup moins maîtrisé. (30-31 août; 2 sept.)

FAMILY MOTEL
(Canada, Helene Klodawsky)

Family Motel d’Helene Klodawsky.
photo: Carrie MacPherson

Ayan (Nargis), Somalienne établie au Canada, envoie chaque mois une partie de son maigre salaire de femme de ménage à sa famille restée là-bas et prend conséquemment du retard sur le paiement de son loyer. Lorsqu’elle et ses filles (Asha et Sagal Jibril) sont évincées par le propriétaire, elles sont prises en charge par la Ville, qui les relocalise dans un motel mal famé jusqu’à nouvel ordre. Loin du pamphlet social auquel on pourrait s’attendre, ce premier long métrage de fiction d’Helene Klodawsky est une oeuvre stylisée à la direction photo et au montage très expressifs. Ode au courage d’une femme immigrante et dénonciation d’une bureaucratie aliénante, le film possède aussi un côté plus ludique à travers les personnages des filles et leurs préoccupations d’adolescentes, qui suggèrent un pendant féminin de Raising Victor Vargas. (30 août)

53 DIAS DE INVIERNO
(Espagne, Judith Colell)

Considérant tous ces jours hivernaux que promet le titre, on peut supposer que le ton lourd et misérabiliste est dû à une dépression saisonnière affligeant les personnages: une enseignante (Mercedes Sampietro) qui se sent opprimée par ses élèves, une jeune violoncelliste (Aina Clotet) prise dans une relation malsaine avec son professeur de musique (Joaquim de Almeida), un gardien de sécurité (Alex Brendemühl) qui perd son emploi et se retrouve à la rue, une vieille dame (Montserrat Salvador) que ses voisins veulent séparer des chiens qui sont ses seuls compagnons… Pas très gai tout ça, mais la qualité de l’interprétation et de la mise en scène est indéniable. On retrouve aussi tout de même une petite lueur d’espoir vers la fin, comme les premiers balbutiements du printemps après un long hiver. (31 août; 1er sept.)

BODY/ANTIBODY
(États-Unis, Kerry Douglas Dye et Jordan Hoffman)

Body/Antibody de Kerry Douglas Dye et Jordan Hoffman.

Obsessif-compulsif, Kip (Robert Gomes) ne quitte presque jamais son appartement de Manhattan, qu’il nettoie à répétition. Lui-même se douche cinq fois par jour et se lave parfois tellement les mains qu’elles en saignent. Lorsqu’il rencontre Celine (Leslie Kendall), une nouvelle voisine de palier, sa petite vie rangée se voit chamboulée. Le scénario est inspiré des propres expériences de Kerry Douglas Dye, qui souffrait d’une peur maladive des germes jusqu’à ce que cette dernière soit surpassée par son désir de contact sexuel. Ceci donne d’abord lieu à une comédie romantique joliment tordue, qui glisse graduellement vers le film noir, alors que l’ex violent (Frank Deal) de Celine débarque et pousse Kip à faire des trucs particulièrement salissants! À la fois drôle, sexy et troublant, Body/Antibody mérite que vous sortiez de votre appartement pour aller le voir. (30-31 août; 2-3 sept.)

OÙ VAS-TU MOSHÉ?
(Maroc, Hassan Benjelloun)

Peu après la fin du protectorat français au Maroc, l’imam de la petite ville de Bejjad met de la pression sur Mustapha pour qu’il ferme son bar, mais un article du code pénal protège son droit de servir de l’alcool tant que des non-musulmans habitent les environs. Par conséquent, lorsque tous les Juifs marocains décident de s’exiler en Israël ou ailleurs, Mustapha doit se démener pour convaincre au moins un Juif de rester. Moins un drame historique qu’une comédie irrévérencieuse, Où vas-tu Moshé? est un film sympathique, quoique un peu mince. On en retient surtout les passages festifs où les personnages jouent de la musique et dansent dans le bar, nous faisant plaindre ceux qui se privent de ces plaisirs. (30 août)

KILLING ZELDA SPARKS
(Canada, Jeff Glickman)

Killing Zelda Sparks de Jeff Glickman.

Avec l’aide d’un ami journaliste (Geoffrey Arend), un mec jaloux et violent (Vincent Kartheiser) tente de se venger une fois pour toutes de son ancienne petite amie (Sarah Carter), une femme fatale qui le manipule et l’humilie depuis l’école secondaire. Cette histoire relativement simple est racontée de façon dynamique, avec un habile usage d’ellipses, de retours en arrière et autres manipulations scénaristiques. Comédie noire aux revirements surprenants, ce premier film de Jeff Glickman, adapté de la pièce Barstool Words de Josh Ben Friedman, bénéficie aussi de dialogues cinglants, d’une bonne trame sonore et de l’engageante interaction entre Arend, Kartheiser et Carter. Notre bon cop national, Colm Feore, y apparaît également dans un rôle bref mais amusant. (30 août)

BEING INNU
(Canada, Catherine Mullins)

Après 10 000 ans à mener une existence de chasseurs nomades, le peuple innu s’est vu forcé, il y a une cinquantaine d’années, à adopter un mode de vie plus près de celui de la majorité canadienne. Le constat de ce documentaire, qui nous amène dans le village de Sheshatshiu au Labrador, est que ce dérangement des traditions a eu des conséquences graves sur les Innus, un nombre effarant d’entre eux devenant alcooliques ou se suicidant. Being Innu est un documentaire conventionnel dans la forme sans toutefois être complaisant. Et bien que le sujet de son film soit attristant, Catherine Mullins s’efforce aussi de montrer que certains cherchent des solutions, que ce soit à travers l’éducation, le travail ou l’engagement social. (30 août; 1er sept.)