Killer of Sheep : L'impossible rêve
Cinéma

Killer of Sheep : L’impossible rêve

Réalisé en 1977, Killer of Sheep, de Charles Burnett, sera présenté en copie 35 mm restaurée au Cinéma du Parc.

C’est en 1973 que Charles Burnett, alors étudiant à la UCLA, entreprit les week-ends le tournage de Killer of Sheep avec un budget de 10 000 $ et des comédiens dont la plupart étaient amateurs. Les droits musicaux n’ayant pu être libérés plus tôt, ce n’est qu’aujourd’hui qu’il bénéficie d’une véritable sortie en salle.

Entre-temps, le film a tout de même pu se faire remarquer. Ainsi, en 1990, la Bibliothèque du Congrès le proclama trésor national et l’inclut dans les 50 premiers films du National Film Registry, et en 2002, il fut classé parmi les 100 films les plus importants de tous les temps par la National Society of Film Critics.

À des lieues des films de blaxpoitation de l’époque, Killer of Sheep s’intéresse au sort de Stan (Henry G. Sanders, émouvant), employé d’un abattoir de moutons vivant avec sa femme (Kaycee Moore, gracieuse) et ses enfants dans le ghetto noir de Los Angeles. Pour fuir la misère, Stan rêve de remonter une vieille voiture avec un ami. Malheureusement, même les rêves les plus simples peuvent être difficiles à réaliser.

Bizarrement, cette chronique sociale impressionniste tournée en noir et blanc s’oublie à mesure qu’elle défile devant nos yeux. Construite de façon épisodique, on ne retiendra d’elle que de jolies scènes, comme celle de Stan et sa femme dansant joue contre joue, ou encore la fille de Stan chantant à sa poupée (blonde et blanche) une chanson d’Earth, Wind and Fire, pendant que sa mère se maquille. De furtives scènes de gamins jouant dans des cours peu accueillantes reviendront aussi à l’esprit, Burnett ayant parfaitement capté à la manière du cinéma direct la désolation qui règne dans le quartier.

Plus encore, ce sont les images d’abattoir répétitives et cruelles qui nous hanteront, car celles-ci traduisent si bien l’inéluctable sort de la classe ouvrière. Bien que tourné il y a plus de 30 ans, Killer of Sheep se révèle tristement actuel, donc intemporel. Enfin, malgré ses qualités indéniables, on se dira que c’est le genre de film qu’on ne voit pas par plaisir, mais par devoir de cinéphile.

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