Cinéma

Festival International du Film de Toronto : Coups de foudre dans la Ville-Reine

Jusqu’au 15 septembre, le Festival International du Film de Toronto fait perdre la tête aux cinéphiles avec ses quelque 350 films.

À tout seigneur tout honneur, parlons d’abord d’un réalisateur de chez nous. Son nom: Stéphane Lafleur. Son oeuvre: Continental, un film sans fusil. Chaleureusement accueilli par le public lors de sa première nord-américaine, tout comme il l’avait d’abord été à la Mostra, cet émouvant film traitant de la solitude met en scène quatre personnages, un brocanteur (Gilbert Sicotte), une réceptionniste (Fanny Mallette), un vendeur d’assurances (Réal Bossé) et une hygiéniste dentaire (Marie-Ginette Guay), dont les destins s’entrecroisent après la mystérieuse disparition du mari de cette dernière.

Évoquant l’univers des Roy Andersson (Chansons du deuxième étage) et Aki Kaurismäki (L’Homme sans passé), Continental, un film sans fusil, que l’on annonce déjà comme le meilleur film québécois de l’année, fait montre d’une maturité étonnante. Pas une réplique ni un plan de trop dans ce film d’une rigueur remarquable. On rit beaucoup de la banalité, de l’absurde et de l’insolite de certaines situations et réparties – imaginez une version épurée des Voisins de Saia et Meunier – et pourtant les personnages que nous présente Lafleur, des perdants magnifiques, pour reprendre l’expression de Cohen, nous déchirent le coeur.

Fort de la photographie précise de Sara Mishara, qui compose des plans traduisant avec puissance le désarroi de ces quatre âmes solitaires, Continental, un film sans fusil illustre avec finesse, sincérité et humour la dignité des petites gens. Et pour agrémenter le tout, chaque interprète offre un jeu d’une formidable retenue. Bref, du grand cinéma.

LEUNG CHEZ LEE

Si les scènes de violence du percutant et jouissif Eastern Promises de David Cronenberg alimentaient les conversations en début de festival, les scènes d’amour entre le séduisant Tony Leung, acteur fétiche de Wong Kar-Wai, et la jolie Tang Wei, la nouvelle Maggie Cheung?, dans Lust, Caution d’Ang Lee, tout juste couronné du Lion d’Or à Venise, ont fait frémir plusieurs cinéphiles au cours des derniers jours.

Campé en Chine sous l’Occupation durant la Seconde Guerre mondiale, Lust, Caution met en scène une étudiante tellement douée pour le théâtre qu’elle sera envoyée auprès d’un collaborateur (Leung, troublant dans ce contre-emploi de vilain) afin de le séduire et le faire ensuite tomber sous les balles de ses amis de la Résistance.

Il serait dommage de réduire ce magnifique thriller à ces passages sulfureux, dans lesquels les acteurs font bien plus que dévoiler leurs corps. De fait, en plus de nous faire découvrir une nouvelle de la Jane Austen asiatique, Eileen Chang, Lust, Caution raconte une fascinante page d’histoire méconnue à l’aide d’une minutieuse direction artistique et d’une superbe photographie.

IMMORTELLE JANE AUSTEN

Scénariste de Memoirs of a Geisha de Rob Marshall, Robin Swicord passe derrière la caméra pour signer non pas une oeuvre digne d’un festival de calibre international, mais un délicieux chick flick qui donnera envie de plonger dans l’oeuvre de Jane Austen. Délicieuse comédie dramatique, The Jane Austen Book Club relate les crises sentimentales de cinq femmes (dont Maria Bello, pétillante dans le rôle d’une "Emma") et un homme (le craquant Hugh Dancy) qui se rencontrent chaque mois pour parler des six romans de Jane Austen, dans lesquels ils trouveront réponse à leurs tourments. Les répliques sont piquantes et spirituelles, les personnages, touchants et sympathiques et les acteurs, au parfait diapason. Du bonbon!

LE CAS JOE WRIGHT

Dans son premier long métrage, Pride & Prejudice, Joe Wright avait mis en scène avec brio ce beau roman de Jane Austen. L’une des scènes les plus mémorables était celle du bal où, par de souples mouvements de caméra, Wright nous entraînait parmi les danseurs et faisait se rencontrer Elizabeth (Keira Knightley) et Darcy.

L’on retrouve la touche inspirée du brillant metteur en scène dans sa remarquable adaptation du best-seller d’Ian McEwan, Atonement, où une jeune femme (Knightley, fébrile) se voit cruellement séparée de son amoureux (solide James McAvoy) après que sa petite soeur eut accusé ce dernier à tort d’un crime. Toute sa vie, la fautive (interprétée par les excellentes Romola Garai et Vanessa Redgrave) cherchera à se repentir de cette faute. Magnifique film sur la mémoire, Atonement dépeint superbement la vie oisive d’une famille bourgeoise des années 30 avant d’illustrer en d’époustouflants tableaux, tel ce plan-séquence sur la plage, les ravages de la Seconde Guerre mondiale.

À VENIR

Parmi les films que l’on ne voudra pas rater au cours des prochains jours, il y a bien sûr I’m Not There de Todd Haynes, où Cate Blanchett tient le rôle de Bob Dylan, une prestation qui lui a valu le prix d’interprétation à la Mostra.

On voudra aussi voir Nothing Is Private de celui à qui l’on doit le scénario d’American Beauty et la merveilleuse série Six Feet Under, Alan Ball. Maria Bello, Aaron Eckhart et Toni Collette sont de la partie.

On attend beaucoup du dernier Claude Chabrol, La Fille coupée en deux, où Ludivine Sagnier tombe amoureuse de François Berléand dans le rôle d’un écrivain pervers et prend comme mari Benoît Magimel dans la peau d’un milliardaire déséquilibré. Une fois de plus, Chabrol puise son inspiration dans un fait divers, cette fois-ci le meurtre d’un célèbre architecte new-yorkais au début du XXe siècle.

Autre film piquant notre curiosité, Angel de François Ozon, où Romola Garai incarne une jeune écrivaine prodige dans l’Angleterre de 1905. Le film avait été présenté en clôture du Festival de Berlin.

Enfin, on suivra de près l’accueil réservé à L’Âge des ténèbres, amputé de quelques minutes – de grâce, faites que cela soit dans la scène médiévale! – bien que Denys Arcand ait juré qu’il avait présenté à la soirée de clôture du Festival de Cannes une version définitive…

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