Promesses de l’ombre : À l’est d’Éden
Dans Promesses de l’ombre, David Cronenberg continue d’explorer les zones d’ombre de l’âme humaine.
Lorsqu’on revisite la filmographie de David Cronenberg, on y découvre quatre périodes, quatre saisons, pourrait-on dire. Le printemps, la jeunesse, avec des films d’horreur fauchés tels que Shivers, Rabid et Scanners qui, aussi tordus soient-ils, sont habités par l’enthousiasme d’un réalisateur qui découvre les possibilités du cinéma. Puis vient l’été, un temps de fertilité, où Cronenberg atteint non seulement des sommets artistiques mais aussi commerciaux, des films comme The Fly et The Dead Zone pénétrant la culture populaire. En toute subjectivité, on suggérera que les années qui suivent semblent automnales, alors que le cinéaste s’enfonce dans ses obsessions et crée des oeuvres intrigantes mais moins accessibles, particulièrement Dead Ringers et Spider.
Quel plaisir alors, en 2005, de découvrir A History of Violence, un film aussi provocant intellectuellement que bouleversant émotionnellement, comme un hiver à la fois beau et froid à glacer le sang. Après ce succès populaire et critique, il n’est pas surprenant de voir Cronenberg poursuivre dans la même veine avec Promesses de l’ombre, un autre thriller riche en rebondissements mettant en vedette Viggo Mortensen, mais le cinéaste nous assure que ce n’était pas intentionnel: "Ce n’est pas une coïncidence que je travaille à nouveau avec Viggo, car je l’adore. Mais je ne me suis pas dit: le dernier film a bien marché, je dois en faire un autre du même genre. Puis même si, de manière générale, ce sont deux films de gangsters, ils sont quand même très différents. Une des raisons pour lesquelles certains ont aimé A History of Violence, c’est parce qu’ils trouvaient que ça disait quelque chose à propos de l’Amérique. Les personnages étaient américains, ça se passait au coeur des États-Unis, et la violence était très américaine, avec plein de fusils. Dans Promesses de l’ombre, il n’y a aucun fusil, et les personnages sont tous des Européens de l’Est vivant à Londres."
Ce nouveau film renverse aussi en quelque sorte la dynamique du précédent: plutôt que de présenter un homme ordinaire qu’on découvre capable de tuer de sang-froid, Promesses de l’ombre nous invite à faire connaissance avec un impitoyable truand qui révèle petit à petit des traces d’humanité. Ce truand, c’est Nikolai (Mortensen, intense), qui est employé comme chauffeur par le fils (Vincent Cassel, poignant) du dirigeant (Armin Mueller-Stahl, imposant) du chapitre londonien de la Vory V Zakone, une organisation criminelle russe impliquée dans le trafic humain. De jeunes femmes naïves d’Europe de l’Est se font promettre une vie de rêve en Angleterre, mais se retrouvent plutôt droguées contre leur gré et forcées à se prostituer. Lorsque l’une d’entre elles, âgée d’à peine 14 ans, meurt en donnant naissance à un enfant, la sage-femme de service (Naomi Watts, juste) décide de découvrir qui était la jeune mère et se retrouve ainsi à fouiner dangereusement autour de la Vory.
Fait notable, la majorité du récit prend place durant les dernières semaines de décembre. Sommes-nous devant le film de Noël de Cronenberg? "Si j’étais pour en faire un, admet le cinéaste en riant, c’est à peu près le plus que je pourrais m’en rapprocher. D’ailleurs, Rabid aussi se déroule dans le temps de Noël. Parce que souvenez-vous, pendant la poursuite dans le centre commercial, on tire sur le père Noël!"
À voir si vous aimez /
The Godfather de Francis Ford Coppola, Goodfellas de Martin Scorsese, Reservoir Dogs de Quentin Tarantino