Soie : Jusqu'au bout du monde
Cinéma

Soie : Jusqu’au bout du monde

Soie marque le grand retour de François Girard au septième art. Entretien avec le plus international des cinéastes québécois.

Dans le documentaire François Girard en trois actes, de Mathieu Roy, Martin Scorsese avance que la musicalité est ce qui définit le plus le cinéma de François Girard. Ceci est évident dans Thirty-Two Short Films About Glenn Gould et Le Violon rouge, mais aussi dans Soie qui, bien que le sujet ne soit pas musical, semble construit comme une partition, avec des refrains et des mélodies qui reviennent. "En fait, précise Girard, ça vient du livre, qui est écrit par quelqu’un d’éminemment musical. Alessandro Baricco, c’est d’abord un critique de musique à La Repubblica. Novecento [ndlr: une pièce de Baricco que Girard a montée au Quat’Sous en 2001] est le texte sur la musique le plus vrai que j’aie lu. Et dans Soie, il y a beaucoup de motifs circulaires, de répétitions, de récurrences. La structure, la pensée est musicale. Peut-être que c’est une des raisons pour lesquelles je suis attiré vers le travail de Baricco, ça a sûrement à voir avec la musique, on se rejoint là-dedans."

Vers 1860, Hervé Joncour (Michael Pitt), qui vit une existence paisible auprès de sa bien-aimée Hélène (Keira Knightley), est contraint de la quitter pour aller acheter des oeufs de ver à soie au Japon, où il tombe sous le charme d’une mystérieuse concubine (Sei Ashina). Voilà les grandes lignes du roman de Baricco, dont un des éléments les plus distinctifs est certainement la concision de la prose, où les images simples et fortes prédominent sur les longues descriptions. Girard estime que ceci fait du livre un naturel cinématographique, qui se prête très bien à l’adaptation: "La beauté de l’histoire, c’est qu’elle a exactement la densité d’un film. Normalement, il faut déchirer la moitié des pages."

Plus qu’un drame romantique, Soie est une série de longs périples qui amènent Joncour à se rendre au bout du monde, dans un pays auquel très peu d’étrangers ont accès. C’est cette découverte d’une autre culture qui a le plus touché Girard dans l’oeuvre de Baricco: "Cette curiosité et cette ouverture sur la différence, c’est quelque chose qui m’est cher. On est en manque de ça dans le monde d’aujourd’hui et, thématiquement, c’est ce qui m’a attiré et que j’ai envie de propager. Avec toutes les technologies et les possibilités qu’on a aujourd’hui, on trouve encore le moyen de fermer les frontières, de se renfermer dans des zones closes et d’ériger des murs entre les cultures. C’est un truc qui me préoccupe beaucoup."

Le cinéaste était tout de même intéressé par l’histoire d’amour, qu’il considère universelle: "C’est une quête d’amour qui est vraie, qui est sincère, mais qui est distraite par une obsession. Même les plus grands amoureux du monde auront toujours ces distractions, une image fuyante, furtive, qui te prend la tête…"

À voir si vous aimez /
Doctor Zhivago de David Lean, Kundun de Martin Scorsese, Le Violon rouge de François Girard