Un secret : Motus et bouche cousue
Un secret, de Claude Miller, est une histoire belle et grave construite autour d’un terrible mystère. Son auteur nous en parle… sans vendre la mèche.
Qu’est-ce qu’on pourrait bien vous révéler au sujet d’Un secret sans trop en dire? D’abord, que le long métrage a été présenté en primeur au mois d’août dernier, au Festival des Films du Monde de Montréal, où il a remporté le Grand Prix des Amériques. Ensuite, qu’il s’appuie sur le roman éponyme de Philippe Grimbert, prix Goncourt des lycéens en 2004. Et encore, qu’il repose sur un secret familial qu’on ne voudra pas dévoiler, même sous la torture. Pour le reste, on fera parler son auteur, Claude Miller (Betty Fisher et autres histoires, La Classe de neige).
L’adaptation du livre de Grimbert offrait un défi intéressant, se rappelle le cinéaste. "C’est un roman où il n’y a aucune dramaturgie, où il n’y a pas de dialogues. Tous les personnages étaient là, ils étaient évidemment racontés, mais il fallait leur donner de la chair, des choses à dire."
Le premier acte porte sur l’enfance du petit François, enfance malheureuse, racontée au présent. Puis, au bout d’un moment, alors qu’on pense suivre un fil assez clair, le récit bascule. Nous voilà désarçonnés… "Oui, j’avais l’espoir qu’il se passe ça, sourit Claude Miller. Ça traduit la sensation que j’ai eue en lisant le livre. Ça part dans quelque chose, les confessions intimes d’un enfant, mais on se rend compte qu’il y a quelque chose de vertigineux dans cette histoire. Quand on en arrive à l’"acte" d’Anna (Ludivine Sagnier) – qu’il ne faut pas révéler au spectateur -, on ne peut pas imaginer, au départ, qu’on va en arriver là."
Un des partis pris scénaristiques du film consiste à montrer le passé en couleur, comme s’il avait valeur de présent, et le présent, en noir et blanc. "Je voulais qu’il y ait visuellement quelque chose de bien clivé, de bien net, que la partie François à 30 ans soit vraiment visuellement différente de tout ce qui est évoqué du passé, affirme Claude Miller. C’est arrivé au montage, par hasard."
Bien qu’il ait comme tragique toile de fond la Deuxième Guerre mondiale, Un secret est composé d’images particulièrement lumineuses, signées Gérard de Battista. Un choix volontaire, explique Claude Miller. "Je trouve particulièrement émouvant que les histoires tragiques, poignantes, pathétiques se passent dans un décor qui ne l’est pas. Je dis toujours: la nature, elle s’en fout. Et je ne pense pas que, parce qu’une histoire triste se passe dans un décor triste, ça va ajouter quelque chose. L’émotion vient justement du fait que la nature s’en moque", conclut-il.
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Le cinéma de Claude Miller, les histoires à rebondissements, les films portant sur la Seconde Guerre mondiale