12 h 08 à l’est de Bucarest : À quelle heure, la révolution?
12 h 08 à l’est de Bucarest, de Corneliu Porumboiu, traite de la chute du régime communiste roumain.
Pour célébrer la chute du régime Ceausescu quelque 16 ans après les faits, l’animateur de télé Virgil Jderescu (Teodor Corban) a décidé de consacrer son émission d’affaires publiques aux héros de la révolution. Pour tout dire, Virgil cherche à savoir si, dans son petit village de Vaslui, la population a contribué concrètement à l’élan de changement ou si elle a pris le train révolutionnaire après l’heure fatidique de 12 h 08 – à laquelle les médias ont annoncé la nouvelle.
En l’absence d’invités de marque, le présentateur s’est rabattu sur le père Piscoci (Mircea Andreescu), un septuagénaire légèrement gaga, et sur Manescu (Ion Sapdaru), un prof alcoolo. Ce dernier, qui prétend avoir passé la journée historique aux premières loges, est pris à partie par les spectateurs téléphonant à l’émission pour corriger sa version des faits.
Sacré meilleur premier film au Festival de Cannes en 2006, 12 h 08 à l’est de Bucarest retrace de façon irrévérencieuse et caustique les événements du 22 décembre 1989. Le réalisateur Corneliu Porumboiu plante l’action dans son patelin d’origine, une ville banale, grise et sale, vraisemblablement en marge de l’histoire, mais qu’on dirait désireuse de laisser une trace dans l’inconscient collectif roumain.
Ancré dans un temps réel, le film démarre alors que le jour se lève et s’achève quand les réverbères s’allument pour accompagner la nuit. Entre ces deux marqueurs horaires, l’"action" se découpe en deux blocs distincts.
Porumboiu prend d’abord la peine de bien camper les personnages dans leur milieu de vie. L’ancrage dans la sphère du quotidien est soigné et rendu authentique par un souci du détail poussé.
Puis le réalisateur pose sa caméra dans le studio de télévision où, pendant plus d’une demi-heure, les trois hommes ferraillent avec leurs souvenirs. C’est dans ce segment, pourtant fixe et monotone, que le propos gagne en saveur et en intensité. Les échanges avec le public donnent lieu à quelques moments hyper-comiques.
Au final, 12 h 08… démontre adroitement comment les changements sociaux importants, soumis à l’analyse de la population, peuvent avec le recul se prêter aux interprétations les plus diverses et, surtout, les plus farfelues. Comme quoi un devoir de mémoire confié à de mauvais élèves peut susciter de remarquables ratés.
À voir si vous aimez /
Comment j’ai fêté la fin du monde, de Catalin Mitulescu, Good Bye Lenin!, de Wolfgang Becker, l’humour est-européen pince-sans-rire