Gangster américain : Le cauchemar américain
Dans Gangster américain, de Ridley Scott, Russell Crowe et Denzel Washington jouent aux flics et aux bandits.
Il faut quand même le faire, avoir deux des meilleurs acteurs du monde dans les rôles principaux d’un film et ne pas leur faire partager l’écran pour plus de 10 minutes. Michael Mann l’avait fait avec De Niro et Pacino dans Heat, et Ridley Scott tente à présent la même chose avec Denzel Washington et Russell Crowe dans Gangster américain. Cela n’est pas au détriment du film, loin de là. On se retrouve plutôt devant deux récits parallèles qui convergent, lentement mais sûrement, vers un même point et qui, ce faisant, se renvoient des échos fascinants.
Car, bien que Frank Lucas (Washington) soit un trafiquant de drogues et Richie Roberts (Crowe), un policier tentant de démanteler son empire criminel, tous deux partagent un certain sens de l’éthique qui les sépare de leurs pairs. Ainsi, contrairement à la majorité de ses collègues, Roberts est un incorruptible qui refuse de voir la loi comme quelque chose de malléable. Quant à Lucas, il évite généralement les coups d’éclat et voit d’un mauvais oeil les truands sans aucune intégrité.
Gangster américain n’est donc pas l’histoire d’un malfrat impitoyable et imprévisible, mais plutôt celle d’un être réfléchi, près de sa famille et de sa communauté, qui se considère avant tout comme un homme d’affaires. Lucas gravit les échelons du monde criminel et s’empare de la quasi-totalité du marché de l’héroïne non pas en mitraillant tout sur son passage, mais en respectant la loi de l’offre et de la demande.
En allant s’approvisionner directement dans les jungles de l’Asie du Sud-Est (avec l’aide de militaires américains déployés au Viêt Nam!), Lucas peut offrir un meilleur produit que la compétition, pour moins cher de surcroît. Son succès est inévitable. Toutefois, avant qu’on ne se prenne à admirer le personnage, Scott et le scénariste Steven Zaillian ont le bon sens de ne jamais nous laisser oublier que Lucas s’enrichit en nourrissant la dépendance de milliers de désespérés qui s’autodétruisent en s’injectant le "merveilleux" produit qu’il commercialise.
Par moments, Gangster américain peut sembler familier, rappelant les classiques du genre, mais la réalisation vigoureuse de Scott apporte une énergie distinctive, tout comme l’ambiance soigneusement reconstituée des années 1970 et l’excellente distribution de soutien (Josh Brolin, Chiwetel Ejiofor, etc.) Enfin, chacun de leur côté, Washington et Crowe offrent des performances captivantes, nous faisant attendre impatiemment leur brève mais mémorable rencontre à l’apogée du film.
À voir si vous aimez /
Scarface de Brian De Palma, Heat de Michael Mann, Blow de Ted Demme