Lions et agneaux : Le silence des agneaux
Avec Lions et agneaux, Robert Redford signe un manifeste contre l’apathie politique.
Rarement le cinéma américain a-t-il été aussi engagé que ces dernières années. Alors qu’il a fallu plusieurs années après la guerre du Viêt Nam avant qu’on y consacre des films, depuis le début des conflits en Afghanistan et en Irak, une suite quasi ininterrompue de productions s’y attardent, souvent de façon très virulente.
La dernière en lice est Lions et agneaux, première réalisation de Robert Redford depuis The Legend of Bagger Vance en 2000. Le titre fait référence à une citation attribuée à un général allemand qui, au sujet des soldats britanniques et de leurs supérieurs hiérarchiques pendant la Première Guerre mondiale, aurait déclaré n’avoir "jamais vu de tels lions dirigés par de tels agneaux". Ce qui s’applique évidemment encore de nos jours aux forces armées occidentales, qui ont le courage d’aller risquer leur vie au front alors que les politiciens qui les y envoient ne quittent généralement jamais le confort et la sécurité de leurs bureaux.
Redford et le scénariste Matthew Michael Carnahan illustrent ceci en opposant deux actions parallèles: la tentative par un membre du Congrès américain (Tom Cruise) de convaincre une journaliste (Meryl Streep) de la validité d’un nouveau déploiement de troupes en Afghanistan, et la lutte pour leur survie de deux soldats américains (Derek Luke et Michael Peña) malencontreusement échus en plein territoire taliban. À cela s’ajoute un troisième segment, où un professeur de sciences politiques idéaliste (Redford) discute avec un étudiant cynique (Andrew Garfield) qui considère que le gouvernement est irrémédiablement corrompu.
Lions et agneaux pourrait facilement être transposé au théâtre, le récit étant très bavard et plutôt statique. Il y a bien tentative d’inclure un peu plus d’action avec la portion militaire mais, ironiquement, cette dernière est la moins stimulante; les formidables duels d’acteurs Redford-Garfield et Cruise-Streep causent beaucoup plus d’étincelles. Du lot, Cruise se démarque particulièrement, avec une prestation qui pervertit son image de beau parleur confiant et charismatique, un peu comme dans Magnolia. Sauf qu’au lieu de véhiculer des sottises machos comme son personnage dans ce film, le politicien qu’il interprète ici tente de vendre une salade potentiellement beaucoup plus dangereuse.
Et si cette salade parvient à passer, c’est à cause du manque d’engagement de la population, ce que le film de Redford dénonce plus que tout. Espérons qu’il réussisse à réveiller quelques consciences.
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