No Country for Old Men : Sombre Amérique
Dans No Country for Old Men, d’Ethan et Joel Coen, Javier Bardem veut la peau de Josh Brolin. Propos des deux acteurs recueillis au Festival de Cannes.
Lors de la rencontre, Javier Bardem et Josh Brolin glissaient des allusions sexuelles, se plaisant à faire croire que No Country for Old Men était un western à la Brokeback Mountain et qu’ils entretenaient eux-mêmes une liaison. Or, il n’en est rien puisque les deux acteurs, qui affichaient une franche camaraderie, incarnent de redoutables ennemis dans le nouveau film des frères Coen.
Brolin confie: "Ça a cliqué immédiatement entre Javier et moi, et grâce à l’humour subtil des Coen, on a énormément rigolé lors du tournage. C’était essentiel pour le public et, égoïstement, pour nous car il fallait désamorcer avec l’humour toute la violence du film, laquelle, que Dieu nous protège, pourrait très bien nous arriver."
Repoussant l’idée qu’il s’est inspiré de Lon Chaney dans London After Midnight pour son look d’assassin sans pitié, Javier Bardem se souvient de son passage dans la chaise du coiffeur: "On ne savait pas quoi faire de mes cheveux, puis, alors qu’ils tombaient par terre, j’entendais des fous rires, et j’ai vu Ethan s’écrouler en larmes tant il riait." "La première chose qu’il m’a dite, lance Brolin, c’est: "Merde, aucune fille ne voudra coucher avec moi durant les trois prochains mois!""
S’il s’est amusé à jouer les vilains, Bardem a néanmoins trouvé l’expérience bizarre, croyant avoir fait quelque chose de travers puisque son personnage plaît malgré tout. Lorsqu’on lui avoue qu’il a l’air d’un Buster Keaton diabolique dans No Country For Old Men, son partenaire s’exclame: "Et moi, on me compare à fucking Nick Nolte!"
Avec un semblant de sérieux, Bardem confie alors qu’il a vu tous les films de Keaton afin de se préparer, puis il s’écrie: "Eh, mais pourquoi je vous rappelle Buster Keaton, c’est ma façon de bouger?" En fait, ce n’est pas tant sa gestuelle que son expression faciale et son regard noir qui rappellent ce génie du muet.
"J’ai abordé mon personnage comme un symbole de la violence et non comme un être humain, explique Bardem. Ethan et Joel nous ont donné entière liberté pour créer, mais ce qui est troublant, c’est qu’ils ne disent mot lorsque la scène est terminée."
Brolin renchérit: "Le plus grand compliment que j’ai eu, c’est un petit signe d’Ethan. Plus tard, j’ai compris que ça signifiait qu’il était très satisfait. Tout est dans le langage du corps chez les Coen."
Enfin, pour revenir à la violence du film souvent évoquée, que peut-elle bien signifier? Une nostalgie du Far West? "Hollywood a présenté une vision romantique du Far West, je crois qu’il s’agissait en fait d’une époque très violente, éprouvante et triste où l’on ne vivait pas très vieux. L’Amérique illustrée dans No Country for Old Men reflète fidèlement l’esprit de cette dure époque", croit Josh Brolin.
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