La Brunante : Le voyage d'une vie
Cinéma

La Brunante : Le voyage d’une vie

Avec La Brunante, Fernand Dansereau réalise un film magnifique sur la vieillesse et l’amitié. Entretien avec le cinéaste et les actrices Monique Mercure et Suzanne Clément.

Depuis un demi-siècle, Fernand Dansereau oeuvre comme réalisateur, scénariste et producteur, au grand comme au petit écran. Sa plus récente réalisation fait suite à Ça n’est pas le temps des romans et, comme ce "tiers de film" tourné en 1967, La Brunante est l’occasion d’admirer le grand talent et la beauté éternelle de Monique Mercure. Dansereau voulait lui faire reprendre le rôle de Madeleine depuis longtemps, mais la longue attente a été bénéfique, La Brunante possédant une sagesse qui n’aurait pas été là si le film avait été tourné il y a une vingtaine d’années. "Je n’aurais pas eu ce questionnement sur la vieillesse, confie le cinéaste de 79 ans, alors que c’est très concret pour moi aujourd’hui."

Le sujet du film n’est pas tant la maladie d’Alzheimer que l’acceptation de l’épreuve de la souffrance et le deuil de la jeunesse. Ce dernier élément est particulièrement frappant grâce à l’intégration d’extraits du film de 1967: "C’est très précieux d’avoir les images de Monique dans la splendeur de sa jeunesse, admet Dansereau. Le spectateur est obligé de réfléchir au passage du temps, de sentir le contraste. C’est une belle femme aux deux bouts de la vie, mais il y a quand même une différence."

Suzanne Clément, qui épaule admirablement Mercure dans La Brunante, renchérit: "Je trouve ça beau, ce clin d’oeil du passé. C’est troublant en même temps, Monique était tellement belle… Je l’ai trouvée bien courageuse d’entrer dans ce projet-là. Je ne sais pas comment je réagirais." La principale intéressée n’a pas été gênée d’être confrontée à ce dont elle avait l’air il y a 40 ans, mais a quand même été saisie de se revoir ainsi. "C’est moi, ça, j’étais comme ça à 36 ans? C’est pas croyable! Je le savais pas que j’étais belle!" s’exclame Mercure en riant.

LE MYSTERE

Avec la réalisation qu’on avance en âge vient inévitablement un questionnement spirituel, qui n’est toutefois pas nécessairement religieux, comme l’explique Dansereau: "Je trouve que le concept de Dieu, c’est trop rationnel. J’aime mieux parler du mystère, parce que même à l’âge que j’ai, je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que dans ma vie, je sens que j’ai été dirigé vers des choses qu’il fallait que je découvre, des épreuves qu’il fallait que je vive, des amours qu’il fallait que j’apprenne à faire fleurir… Au final, ce qui est important, c’est d’être en relation avec les autres."

Ainsi, La Brunante repose avant tout sur l’amitié entre les deux personnages principaux, qui développent une relation d’interdépendance salvatrice, joliment symbolisée dans le film par un exemple tiré de la nature. "J’avais fait un documentaire sur mon cousin Pierre, qui est écologiste, raconte Dansereau, et c’est lui qui m’a parlé des épiphytes, des êtres qui vivent sur d’autres sans les exploiter. Je trouvais que c’était tellement une belle notion."

L’amitié entre Madeleine et Zoé, qui se complètent parfaitement malgré leur grand écart d’âge, s’est aussi reflétée en dehors du plateau pour les interprètes. "Suzanne m’a beaucoup aidée, et j’imagine que je l’ai aidée aussi, confie Mercure. Il s’est passé ce qui se passe dans le film." Clément acquiesce et parle avec admiration de sa partenaire de jeu: "Monique, c’est un cheval sauvage, elle n’est pas domptée, c’est ça qui est beau. Elle est vraiment capable d’aller dans des choses imprévisibles, elle n’a pas de pudeur."

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