L'Orphelinat / El Orfanato : Madame et ses fantômes
Cinéma

L’Orphelinat / El Orfanato : Madame et ses fantômes

L’Orphelinat (El Orfanato) revisite avec brio le film de maison hantée. Rencontre sous le soleil cannois avec le producteur Guillermo del Toro, le réalisateur Juan Antonio Bayona et l’actrice Geraldine Chaplin.

Lorsque le jeune réalisateur espagnol Juan Antonio Bayona a envoyé le scénario d’El Orfanato au réalisateur mexicain Guillermo del Toro (Hellboy, Le Labyrinthe de Pan), ce dernier s’est demandé comment il s’en tirerait advenant le cas où il ne l’aimerait pas. Son malaise s’est vite dissipé, car sitôt la lecture terminée, del Toro tenait mordicus à être le producteur et présentateur de ce premier long métrage.

"Quand je lui ai demandé comment il voyait la fin de son film, se souvient del Toro rencontré au Festival de Cannes, il m’a dit que je devrais être en larmes à la fin. Comme sa réponse me plaisait, j’ai tout de suite embarqué."

Un film d’horreur dont la conclusion ferait pleurer les spectateurs? Guillermo del Toro assure que cela est possible: "Je crois que le film plaira à ceux qui aiment les drames de même qu’aux amateurs de films de maison hantée, car El Orfanato les emmènera là où ils n’auraient pas cru aller."

Mais que raconte donc cette merveille? C’est l’histoire de Laura (Belén Rueda, vue aux côtés de Javier Bardem dans Mar Adentro d’Alejandro Amenábar) qui, peu de temps après avoir rouvert l’orphelinat où elle a grandi, perd son fils dans d’étranges circonstances.

"En lisant le scénario, raconte Geraldine Chaplin, qui y interprète une spirite, je pensais à Henry James et il ne m’est même pas venu à l’esprit qu’il s’agissait d’un film d’horreur. L’histoire est horrible, impensable et c’est pour cela qu’on peut s’identifier facilement à Laura. J’aurais accepté d’incarner une chaise tant je souhaitais jouer dans ce film!"

Au lieu de cela, celle qui mène une carrière fructueuse en Espagne apparaît plutôt dans une scène mémorable qu’elle a dû tourner dans la noirceur totale: "C’était une expérience extraordinaire, relate-t-elle avec entrain. C’est tellement étrange de jouer dans le noir. Normalement, tu vois ton partenaire, la caméra, l’équipe, mais là, il fallait que je m’exprime sans avoir de repères. C’était comme si j’étais entourée de fantômes…"

"Elle a tellement aimé cela, intervient Bayona, qu’elle aurait voulu que ça dure deux jours de plus!"

"C’est vrai! À un moment donné, poursuit l’actrice, Juan Antonio s’est caché sous un lit et m’a saisi la cheville, mais j’étais si concentrée que je n’ai pas bronché."

"Ce que tu ne sais pas, lui lance en riant del Toro, c’est qu’il ne portait rien!"

!QUE HOROR!

Revisitant avec brio le film de maison hantée, tel que l’avaient fait peu de temps avant del Toro (L’Échine du diable) et Amenábar (The Others), Bayona, moins bavard que ses deux complices, explique sa démarche: "Le film est comme un jeu pour le spectateur, c’est-à-dire que c’est à lui de décider ce qui est vrai ou non, si cette femme est folle ou non et si la maison est hantée ou non. En fait, je voulais traiter de la cruauté qu’il y a dans l’espoir. Avec Belén, on a rencontré des parents ayant perdu un enfant et tous nous ont raconté avoir vu leur enfant apparaître."

Si le cinéma hispanophone et le cinéma d’horreur vous séduisent, vous aurez sans doute remarqué que tous deux font bon ménage depuis quelques années. À ce propos, Guillermo del Toro avance ceci: "Lorsque les gens ont découvert le j-horror, ça faisait des années que ça existait. C’est la même chose avec le cinéma d’horreur de langue espagnole. Qu’il y ait des réalisateurs comme Juan Antonio, Amenábar, Álex de la Iglesia, Nacho Cerdà et moi-même, je ne vois pas cela comme une coïncidence, mais plutôt comme une synchronie."

Le volubile producteur poursuit: "Le film d’horreur a toujours survécu parce qu’il voyage d’un pays à l’autre. Il y a deux ou trois ans, je dirais que les meilleurs films d’horreur provenaient du Japon et de la Corée du Sud. Maintenant, c’est notre cinéma qui a le vent dans les voiles. On y retrouve une mélancolie et un scepticisme propres à la culture européenne que ne possède pas le cinéma d’horreur américain."

Et de conclure le discret réalisateur Juan Antonio Bayona: "Ce qui m’intéressait, c’était de créer une atmosphère mélancolique. Laura est très malheureuse et c’est pour cela qu’elle revient sur les lieux où elle a passé une enfance heureuse. C’est très européen, cet esprit-là."

En salle le 26 décembre