Anna M. : Histoire d'A.
Cinéma

Anna M. : Histoire d’A.

Dans Anna M., de Michel Spinosa, Isabelle Carré éprouve une passion violente pour Gilbert Melki. Tête-à-tête avec la douce actrice lors de son passage à Montréal.

Les amours tordues, Isabelle Carré connaît bien. Après avoir flirté avec les serial killers dans Entre ses mains d’Anne Fontaine et interprété dans À la folie… pas du tout de Laetitia Colombani la femme de Samuel Le Bihan que poursuivait Audrey Tautou souffrant d’érotomanie, psychose donnant l’impression à la personne qui en est atteinte, très souvent une femme, d’avoir l’illusion délirante d’être aimée, la voilà en érotomane dans Anna M. de Michel Spinosa (La Parenthèse enchantée).

"J’ai fait le tour du propriétaire, lance-t-elle en riant, mais cette fois, je ne joue plus les victimes. C’est vraiment quelque chose qui m’intéressait beaucoup que d’incarner un méchant de cinéma. Dans ce thriller intime, l’originalité consistait pour le spectateur à partager le vertige du persécuteur grâce à la mise en scène de Michel Spinosa. Le spectateur est dans la tête d’Anna et partage donc ainsi ses émotions plutôt que d’avoir peur pour la victime (Gilbert Melki)."

Puisque nous aurions tous, en chacun de nous, un petit fond d’érotomanie, il s’avère facile de s’identifier au personnage de Carré, et à mesure que le récit avance, l’exercice se révèle de plus en plus troublant: "En fait, Anna, c’est une actrice qui se raconte une histoire, qui joue dans son propre film et elle le joue tellement bien qu’elle le vit. Comme nous le ferions, elle analyse chacun des gestes de l’être aimé et y voit des signes. Ce que je trouvais fort dans le scénario, c’est l’empathie et la détestation qui y cohabitent."

Douce et effacée, Anna prendra les grands moyens pour attirer l’attention de l’homme qui la rejette constamment, allant même jusqu’à poser des gestes de violence, dont certains envers des fillettes. Décidément, Isabelle Carré, qui a choisi de se teindre les cheveux en roux, voulait vraiment se défaire de son image de femme douce et romantique.

"J’étais tétanisée d’avoir à violenter les petites, mais avec Michel, on les a beaucoup préparées pour les scènes. Je jouais même à la Barbie avec elles durant les pauses! Pour les cheveux foncés, c’est que je ne voulais pas qu’Anna soit lumineuse, je la voulais terne aussi dans sa façon de se vêtir", se rappelle l’actrice qui s’est inspirée d’une voisine âgée qui s’habillait de façon enfantine pour la garde-robe d’Anna.

Relieuse de vieux manuscrits, Anna travaille à la bibliothèque, et dans l’une des premières scènes, on la voit toute petite au milieu de toutes ces hautes étagères débordant de livres. Plus tard, on la retrouve chez elle, un modeste appartement qu’elle partage avec sa mère, où une image de la Vierge adolescente orne l’un des murs de sa chambre.

"Il y a un côté enfantin chez Anna. Comme les enfants, qui ont vraiment cette exigence que la réalité corresponde à leurs désirs, les érotomanes ont cette volonté, qui est plus qu’un simple caprice, de faire concorder leurs fantasmes à la réalité. Au bout du compte, Anna mène un combat pour gagner l’amour de cet homme. De vieille petite fille, elle deviendra femme et autonome", conclut l’actrice qui, à l’instar de Spinosa, a eu du mal à dire adieu à Anna.

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