Imitation : Boulevard du crépuscule
Cinéma

Imitation : Boulevard du crépuscule

Dans Imitation, Federico Hidalgo aborde le thème du déracinement en empruntant la forme d’un film noir.

Trois ans après son premier long métrage, A Silent Love, Federico Hidalgo nous revient avec Imitation, où il dirige à nouveau l’actrice mexicaine Vanessa Bauche, vue précédemment dans Amores Perros d’Alejandro González Iñárritu et The Three Burials of Melquiades Estrada de Tommy Lee Jones. Imitation aborde certains mêmes thèmes que A Silent Love, notamment la difficulté à entrer en relation avec leurs nouveaux compatriotes que peuvent ressentir les immigrants.

Né à Mendoza en Argentine, Hidalgo vit depuis 22 ans à Montréal, où il a d’abord évolué dans le milieu du théâtre, avant d’étudier et d’enseigner le cinéma à l’Université Concordia. Bref, Hidalgo n’est plus un nouvel arrivant depuis longtemps, mais l’immigration demeure une réalité qui le préoccupe. "Ma femme et coscénariste, Paulina Robles, qui est mexicaine, est arrivée ici il n’y a que 10 ans, pas comme moi qui suis arrivé très jeune, confie Hidalgo. J’ai vécu cette expérience d’adaptation d’une façon, et elle d’une autre. Quand on écrit ensemble, on essaie de trouver une histoire qui puisse nous permettre de traiter de ça. Imitation décrit la situation d’une femme immigrante qui se retrouve dans un état d’isolement et dans l’impossibilité d’avancer dans sa vie. Il y a des problèmes à résoudre en arrivant ici par rapport au travail, au logement et tout ça, mais il y a aussi certaines barrières psychologiques qui nous empêchent de nous sentir à l’aise."

ENTRE LA NUIT ET LE JOUR

Plutôt que de prendre la forme d’un drame social, Imitation aborde les thèmes du déracinement et du choc des cultures à travers une trame narrative qui rappelle celle d’un film noir, avec une femme fatale (Bauche), un homme mystérieusement disparu (l’ancien kick-boxeur professionnel Conrad Pla) et un jeune homme un peu naïf qui s’improvise détective (Jesse Aaron Dwyre). "On veut utiliser des formes accessibles pour explorer des thèmes qui sont parfois un peu abstraits, explique Hidalgo. Dans A Silent Love, on se servait du mélodrame romantique, et dans Imitation, on traite ça comme un mystère."

L’influence du film noir se ressent aussi dans le style, plutôt sombre et atmosphérique: "On a essayé de trouver des images qui nous permettraient de nous rapprocher des états d’âme des personnages. On voulait jouer sur les contrastes, car le film est vraiment une bataille entre deux points de vue: l’un qui est pessimiste et opaque, et l’autre qui est beaucoup plus optimiste. On voulait exprimer ça à travers les images, les sons, l’atmosphère… C’était important de voir des scènes de Montréal au crépuscule, entre la nuit et le jour."

Pour le cinéaste, encore plus qu’un film sur l’immigration ou un polar, Imitation est une histoire d’amitié. "C’est une autre chose qu’on a vécue de diverses façons, ma femme et moi, la difficulté de trouver l’amitié dans un nouveau pays, dans une nouvelle vie. Les relations romantiques, ça va, on va les trouver, peut-être vite, peut-être lentement. Mais de vraies amitiés, c’est plus difficile", conclut Hidalgo.

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IMITATION

Ayant quitté le Mexique pour venir à Montréal retrouver un proche, Teresa rencontre par hasard Fenton, un commis d’épicerie qui offre de l’aider dans ses recherches. S’ensuit une enquête qui amène ce couple qui n’en est pas tout à fait un à rencontrer une multitude de personnages colorés, allant d’un ouvrier allemand à un gardien de stationnement cubain, en passant par les employées d’une école de danse latine et le propriétaire d’un journal communautaire dominicain. D’abord léger, le ton s’assombrit progressivement alors que s’accumulent secrets, mensonges et faux-semblants.

L’intrigue imaginée par Federico Hidalgo et Paulina Robles demeure énigmatique jusqu’à la fin, et même après celle-ci, certains détails demeurent flous. C’est apparemment propre au genre, où le mystère est souvent plus important que sa résolution. Un des exemples les plus flagrants est The Big Sleep, l’auteur Raymond Chandler lui-même ayant déjà avoué ne pas pouvoir expliquer tout ce qui se passe dans son roman!

Qui plus est, une grande part du plaisir du film noir et de ses dérivés réside dans le style visuel et l’atmosphère. À cet égard, Hidalgo a fait un beau travail sur l’image, présentant une vision captivante d’un Montréal crépusculaire. Enfin, si Jesse Aaron Dwyre manque un peu d’envergure dans le rôle de Fenton, Vanessa Bauche insuffle une dimension à la fois ténébreuse et lumineuse au personnage de Teresa.

À voir si vous aimez /
Sur la trace d’Igor Rizzi de Noël Mitrani, Amores Perros d’Alejandro González Iñárritu, A Silent Love de Federico Hidalgo