Borderline : Le diable au corps
Cinéma

Borderline : Le diable au corps

Dans Borderline, premier long métrage de Lyne Charlebois, Isabelle Blais se donne corps et âme au personnage né de la plume de Marie-Sissi Labrèche.

Quiconque n’a jamais lu une ligne des deux premiers romans de Marie-Sissi Labrèche risque d’en prendre plein la gueule devant Borderline. Faite de fureur et de tendresse, la plume de Labrèche dépeint avec force humour noir, une crudité bien assumée et un sens de l’observation singulier le destin d’une fille (la jeune Laurence Carbonneau et Isabelle Blais) née d’une mère folle (Sylvie Drapeau), élevée par une grand-mère autoritaire (Angèle Coutu), et qui, faute de s’aimer, ouvre les jambes afin de se faire aimer.

Bref, le genre de livres qu’on ne met pas entre n’importe quelles mains. Surtout pas lorsqu’il s’agit de transposer le tout, dans le cas présent, Borderline et La Brèche, au grand écran.

Heureusement, le destin a voulu que l’exercice échût à Lyne Charlebois, à qui l’on doit des bijoux de clips, dont ceux, oniriques, de Daniel Bélanger, et de courts métrages, dont le magnifique Mardi (je ne m’aime pas) avec Anne-Marie Cadieux. Ainsi, entre les mains de cette réalisatrice, qui cosigne le scénario avec la romancière elle-même, l’univers de Marie-Sissi Labrèche ne perd rien de sa beauté brutale.

Confié à un(e) cinéaste moins sensible, cet univers aurait pu se traduire en un film misérabiliste, complaisant et prétexte à exploiter le corps sublime d’Isabelle Blais dans une suite de scènes torrides. Or, chez Charlebois, secondée de main de maître par le directeur photo Steve Asselin, Borderline s’avère une saisissante peinture d’un milieu pauvre ponctuée de scènes à caractère sexuel prenant l’allure d’envoûtants rituels.

Signant une mise en scène fluide grâce à laquelle le passé et le présent se chevauchent et se font écho, la réalisatrice ne renie certes pas les originaires littéraires du scénario, se servant intelligemment de la voix off de la narratrice, qui trouve sa rédemption par l’écriture, et allant même jusqu’à faire danser les mots de Labrèche sur l’écran. Enfin, au milieu de ce poème visuel règnent trois grâces: Drapeau et Coutu, qui ont fait fi de leur coquetterie pour embrasser des rôles ingrats, et Blais, hypnotique et impudique comme l’écriture de Labrèche, qui a donné sans compter pour endosser l’un des rôles les plus exigeants de sa carrière.

À voir si vous aimez /
Les romans de Marie-Sissi Labrèche; les courts et les clips de Lyne Charlebois; Le Ring d’Anaïs Barbeau-Lavalette