Tout est parfait : Sans eux
Dans Tout est parfait, le réalisateur Yves-Christian Fournier et l’écrivain Guillaume Vigneault abordent le thème délicat du suicide.
Une balle dans la tête. Une corde au cou. Un saut du haut d’un pont. Presque simultanément, trois jeunes vies s’éteignent. Qui plus est, ces morts font suite à celle, quelques mois auparavant, d’un autre adolescent du coin. Josh (Maxime Dumontier), ami proche des quatre disparus, se retrouve ainsi à être le seul survivant du groupe, exclu d’un apparent pacte de suicide.
Yves-Christian Fournier, un ancien de la Course destination monde qui réalise ici son premier long métrage, peut attester de la vraisemblance de la prémisse, ayant observé les répercussions d’un drame similaire lors du tournage d’un documentaire au centre Portage et ayant lui-même vu quatre de ses amis s’enlever la vie au fil des ans. "Mais le vrai sujet du film, précise le cinéaste, ce n’est pas le suicide, c’est quelqu’un qui trouve son sens dans l’existence."
Pour écrire le scénario, le cinéaste a fait appel à Guillaume Vigneault, l’auteur de Chercher le vent et Carnets de naufrage. Si le suicide n’est pas un sujet aussi directement personnel pour lui que pour Fournier, il se sentait néanmoins apte à l’aborder: "L’imaginaire, estime Vigneault, c’est un méchant outil de vérité, puis l’empathie, c’est une faculté qu’on a tous."
Considérant que le scénario est signé par un romancier, Tout est parfait est étonnamment peu littéraire: "Je voulais que Guillaume me donne une écriture cinématographique, explique Fournier, une écriture dénuée de mots, mais avec des images."
Vigneault a bien compris la commande: "C’est dans les gestes, les regards et les silences que les personnages vont se révéler. Même quand en surface, il n’y a rien d’important qui se passe, les personnages sont investis de quelque chose."
ICI OU AILLEURS
Tout est parfait se déroule à Brisbane, une banlieue industrielle fictive, qui pourrait aussi bien être Lachine qu’Asbestos: "C’est une reconstitution par morceaux d’une ville imaginaire, résume Fournier. J’aime bien cette liberté du non-lieu, parce que ça n’a rien à voir avec une ville en particulier, c’est une histoire universelle, qui pourrait se passer partout dans le monde."
Dans cet endroit parmi tant d’autres, on retrouve des adolescents comme on en a tous connu (ou été), mais qui sont pourtant rarement représentés tels quels au cinéma ou à la télévision, où l’on voit trop souvent des jeunes artificiels, joués par des acteurs approchant la trentaine. Dans le film de Fournier, hormis Maxime Dumontier (qu’on a vu dans Gaz Bar Blues et Le Ring), la plupart des jeunes comédiens sont des non-professionnels: "L’acteur amateur amène une véracité incroyable, considère le réalisateur, un vécu qui ne se compose pas si on a grandi dans les salles de casting."
Pour Vigneault aussi, l’authenticité était primordiale: "Si on faisait parler les ados comme Edgar Fruitier, on était morts! Moi, je me souviens que, pendant l’adolescence, je ne parlais pas de tout à mes amis et à mes parents. À cet âge-là, t’as des boutons plein la face, des bras de chimpanzé, la voix qui mue… As-tu le goût de parler avec cette voix-là?"
NOUVEAU CINÉMA
À la fois naturaliste et lyrique, Tout est parfait peut rappeler l’oeuvre de David Gordon Green ou de Gus Van Sant, un style qu’on voit peu au Québec. Ceci pourrait cependant changer avec l’arrivée d’une nouvelle génération de réalisateurs qui n’ont rien à faire du cinéma bêtement commercial: "C’est tellement un milieu en ébullition en ce moment, s’exclame Fournier. J’ai un ami, Maxime Giroux, qui trippe sur Bruno Dumont, puis il y a Robin Aubert, avec qui j’ai fait la Course, Stéphane Lafleur, Simon Lavoie, Rafaël Ouellet, et d’autre monde que j’estime beaucoup. J’aime beaucoup Philippe Falardeau aussi, parce que je pense qu’il prend une place de leader… Mon rêve, c’est de pouvoir faire partie d’une époque d’or du cinéma québécois, qu’il y ait une synergie entre les réalisateurs, comme à l’époque de Gilles Groulx."
En salle le 15 février