Paranoid Park : Journal d'un skater
Cinéma

Paranoid Park : Journal d’un skater

Paranoid Park a valu à Gus Van Sant le Prix du 60e anniversaire du Festival de Cannes.

Le jour de la remise des prix au Festival de Cannes, le président du jury, le réalisateur Stephen Frears, avait qualifié de "lovely" (charmant) Paranoid Park, où Gus Van Sant exploite avec brio les désarrois de l’adolescence. "Lovely", vous avez bien dit? Le mot est faible… Quant au Prix du 60e, soulignant ce film et l’ensemble de l’oeuvre du cinéaste de Portland, il aurait très bien pu être accompagné du Prix de la mise en scène.

Tiré d’un roman de Blake Nelson (Girl), auteur originaire du même bled que Van Sant écrivant sur et pour les adolescents, Paranoid Park (du nom donné à un parc mal famé de… Portland) s’attache aux errances et aux rêveries d’Alex (convaincant Gabe Nevins, recruté sur MySpace), jeune skater taciturne, enfant du divorce et responsable de la mort accidentelle d’un gardien de sécurité (John Michael Burrowes), laquelle nous vaut une scène effroyable et saisissante semblant tout droit sortir d’un film d’horreur. Malgré l’insistance d’un détective (Daniel Liu), Alex ne voudra pas avouer sa culpabilité. Lâcheté, indifférence ou irresponsabilité? La réponse est laissée au spectateur qui ne sentira jamais le jugement du metteur en scène.

S’il n’est pas porté par le même souffle poétique qu’Elephant (Palme d’or et Prix de la mise en scène en 2003) ou Last Days, Paranoid Park séduit en revanche par son atmosphère hypnotique et la structure subtilement éclatée de son récit, lesquelles épousent parfaitement les méandres de l’esprit tourmenté d’Alex, hanté par son crime, incapable d’assumer ses gestes.

En symbiose avec l’aspect introspectif du film, vient le lyrisme des images. À cette fin, Van Sant a eu recours à deux directeurs photo. Dans un premier temps, on retrouve celui qui l’avait secondé pour son remake (absolument inutile!) de Psycho et directeur photo fétiche de Wong Kar-wai, Christopher Doyle, qui signe de sublimes images en 35 mm du quotidien d’Alex.

Pour les scènes de skate-board, le réalisateur a fait appel à une fidèle acolyte de Doyle, Rain Kathy Li, qui, armée d’une caméra 8 mm, a créé de superbes prises de vues rappelant celles de Dogtown and Z-Boys de Stacy Peralta.

À la fin du voyage, une question s’impose: si le roman de Nelson s’adresse aux jeunes lecteurs, les jeunes cinéphiles goûteront-ils l’oeuvre contemplative que Van Sant en a tirée?

À voir si vous aimez /
Elephant et Last Days de Gus Van Sant; Dogtown and Z-Boys de Stacy Peralta; Tout est parfait d’Yves-Christian Fournier