Festivalissimo : Nuevo ciné
Pour sa 12e édition, le festival de films ibéro-latinoaméricains Festivalissimo promet audace, diversité et authenticité.
STELLET LICHT (LUMIÈRE SILENCIEUSE)
(Mexique, Carlos Reygadas)
Prix du Jury à Cannes en 2007 (ex æquo avec Persepolis), Stellet Licht est une oeuvre magistrale, qui contraste fortement avec les autres films de la programmation. Notamment parce que, bien que le récit se déroule dans le nord du Mexique, on y retrouve très peu d’éléments de la culture latine, les dialogues n’étant ni en espagnol ni en portugais, mais plutôt en plautdietsch, un dialecte germanique parlé seulement par les adeptes de la religion mennonite. Ces derniers, qui ont fui l’Europe pour échapper à la persécution religieuse, évoluent à l’écart de la population mexicaine et selon un mode de vie traditionaliste.
Le film débute avec un hypnotisant plan de près de cinq minutes montrant le lever du soleil, alors qu’on entend les cris insistants des animaux de la ferme. Nous rencontrons ensuite Johan (Cornelio Wall), son épouse (Miriam Toews) et leurs six enfants, qui semblent sortis tout droit d’une autre époque. Nous découvrons toutefois bien vite que certaines choses sont universelles, peu importe nos croyances et nos coutumes, alors que le patriarche révèle à un ami être amoureux d’une autre femme (Maria Pancratz). Le coeur veut ce qu’il veut, et la loi de Dieu et des hommes a bien peu d’influence sur nos sentiments les plus profonds.
L’intrigue du film est toute simple, limitée sensiblement à la crise morale d’un homme déchiré entre sa loyauté envers sa famille et le désir incontrôlable qu’il ressent pour sa maîtresse. Là où Stellet Licht prend des dimensions mythiques et élégiaques est dans le contexte et l’approche de cette histoire. On a souvent l’impression de se retrouver dans le jardin d’Éden, au sein d’une nature splendide, sous des cieux majestueux illuminés par la lumière divine. Reygadas capture le tout en une succession de tableaux visuellement impeccables, qui évoquent autant Dreyer que Malick.
Stellet Licht étant une oeuvre minimaliste et austère, les élans passionnels qu’on y retrouve ne s’en voient que magnifiés. À cet égard, l’exactitude émotionnelle des interprètes est exceptionnelle, particulièrement lorsqu’on sait que ce sont des non professionnels, recrutés à même la communauté mennonite. À voir absolument. (15 et 21 mars)
UPA! UNA PELICULA ARGENTINA (UPA! UN FILM ARGENTIN)
(Argentine, Santiago Giralt, Camila Toker et Tamae Garateguy)
Si vous recherchez quelque chose de plus léger, voici un film plutôt amusant sur un cinéaste homosexuel (Santiago Giralt) qui, lorsqu’un de ses courts métrages remporte une bourse dans un festival, décide d’utiliser l’argent pour réaliser son premier long métrage. Avec ses deux meilleures amies, l’une étant actrice (Camila Toker) et l’autre agissant comme productrice (Tamae Garateguy), il se lance dans le tournage d’un hommage au Persona de Bergman, mais une série d’imprévus et son apparente absence de talent résultent en quelque chose se rapprochant plus des films d’Ed Wood!
Upa! Una película argentina joue beaucoup sur les stéréotypes qu’on associe souvent aux gens du cinéma: le réalisateur est prétentieux et caractériel; l’actrice est excentrique et hypersensible; la productrice est toujours au bord de la crise de nerfs… Et, bien que très uni au départ, le trio finit par se détester après seulement quelques jours de tournage. Coréalisé par les trois comédiens eux-mêmes, on sent que le film a été tourné rapidement, avec une caméra approximative et un montage éparpillé. Ceci procure à l’ensemble une agréable spontanéité, mais le caractère brouillon de la production peut rebuter. (13 et 16 mars)
EL CUSTODIO (LE GARDE DU CORPS)
(Argentine, Rodrigo Moreno)
Cet exercice de style surprend par sa détermination à ne pas succomber aux artifices qui semblent inévitables considérant le sujet. En faisant du protagoniste un garde du corps, Rodrigo Moreno nous faisait nous attendre à un thriller enlevant, où chaque instant est chargé de tension et de danger. Erreur: le film est tout à l’opposé, plus près de L’Emploi du temps que d’In the Line of Fire, Moreno prenant le pari de montrer que cette profession est généralement loin d’être excitante.
La définition de tâches de Rubén (Julio Chávez), assigné à la protection d’un quelconque ministre argentin (Osmar Núñez), se résume à le suivre dans tous ses déplacements et à attendre en gardant l’oeil ouvert. Comme il ne se passe presque jamais rien qui ne sorte de l’ordinaire, le garde du corps n’est finalement là qu’"au cas où", comme une police d’assurance. El Custodio communique de façon presque étouffante à quel point cette fonction peut être anonyme et aliénante, avec un rythme lent et une palette visuelle terne. En fait, Moreno parvient peut-être un peu trop bien à nous faire ressentir l’ennui du personnage! (14 et 20 mars)
Jusqu’au 27 avril
www.festivalissimo.ca