Michael Pitt : Démon blond
Cinéma

Michael Pitt : Démon blond

Michael Pitt parle de son incursion dans l’effrayant Funny Games de Michael Haneke.

La version 2008 de Funny Games est le remake en langue anglaise du film en allemand mettant en scène deux jeunes hommes qui séquestrent et torturent une famille que Michael Haneke avait lui-même tourné en 1998. Avec ses conventions tordues, Funny Games lorgne vers le film de violence, genre avec lequel certains spectateurs l’associeront par erreur.

Joint au téléphone à New York, Michael Pitt, qui incarne l’un des deux jeunes psychopathes, affirme que le tournage quasi plan-par-plan de ce remake fut stimulant. "C’est facile de s’approprier un personnage lorsqu’il n’y a pas de limites. C’est beaucoup plus difficile à faire lorsqu’on nous impose bon nombre de restrictions. Sachant cela, j’ai approché le rôle comme un exercice. Je me suis dit: Regarde, si tu n’es pas capable de le faire dans ces conditions, ça veut dire que tu n’es pas très bon."

Pitt a vu Funny Games une fois avant de rencontrer Haneke, réalisateur autrichien dont la feuille de route comprend des films aussi intelligents que déroutants, tels Caché, 71 Fragments of a Chronology of Chance et Benny’s Video, mais ne prétend pas pour autant connaître de fond en comble la filmographie du cinéaste.

"Je ne le connaissais pas si bien que cela; je n’ai pas étudié en cinéma, alors je n’ai pas vraiment cette culture du cinéma de répertoire. Cependant, quand j’ai vu le film, puis rencontré Michael, la qualité de son travail et tout l’effort qu’il y met me sont apparu comme des évidences."

L’une des grandes forces de Funny Games tient de l’interaction entre Pitt et Brady Corbet, dont le duo de jeunes fêlés affiche des airs proprets donnant la chair de poule, lesquels masquent délibérément leurs motivations.

"Parfois, c’était comme si nous tournions deux films à la fois. D’un côté, il y a Brady et moi dans des scènes légères, presque comiques et courtoises; de l’autre côté, les membres de la famille torturés pleurant et cherchant leur air."

À l’instar de l’original, Funny Games n’est pas exactement le film violent qu’il prétend être à prime abord. La participation du spectateur est de fait mise à contribution alors que des pans du quatrième mur tombent au cours du récit, lequel fait montre d’aucune moralité et présente une poignée d’intrigues décousues.

"La majeure partie du film est une construction et même là, la violence n’y atteint pas son apogée. Le film se veut un commentaire sur tous les films violents tournés aux États-Unis où la violence est illustrée de façon très spectaculaire, avec peu ou sans conséquences, sans que le spectateur ressente quoi que ce soit."

Une question brûle alors les lèvres: les gens qui adorent la torture graphique de Saw ou la violence funky de Tarantino iront-ils voir Funny Games et du coup le comprendront-ils?

"Probablement que peu de gens saisiront les intentions du cinéaste, comme c’est souvent l’habitude, et je pense que c’est une bonne chose que ceux qui ne comprendront pas s’ennuient et quittent la salle."

Quant à Michael Pitt, il se plait autant (sinon plus) à parler de son band Pagoda que de cinéma. Ayant travaillé avec des réalisateurs comme Gus Van Sant et Bernardo Bertolucci, il semble pourtant que Pitt est l’un des plus intéressants jeunes acteurs du moment.