Taxi to the Dark Side : Les invasions barbares
Dans Taxi to the Dark Side, Oscar du meilleur documentaire, Alex Gibney dénonce les dérapages de l’administration Bush dans sa guerre au terrorisme.
Les barbares auxquels renvoie le titre de ce texte n’ont rien à voir avec les prisonniers afghans, irakiens et autres enfermés à Guantanamo, mais aux soldats américains chargés de les interroger. Sans doute avez-vous vu ces images nous montrant ce prisonnier la tête cagoulée se tenant en équilibre sur une boîte branchée à des fils électriques. Ou encore, ces photos d’hommes nus empilés les uns sur les autres, et d’autres, forcés de se masturber devant une soldate offrant un large sourire à l’objectif. Ces images révoltantes d’hommes humiliés, traités comme des chiens, Alex Gibney ne cessera de nous les planter sous le nez tout au long de Taxi to the Dark Side, documentaire aussi fascinant que redondant.
Dédié à son père, feu Frank Gibney, journaliste ayant interrogé des soldats japonais durant la Seconde Guerre mondiale, ce film couronné de l’Oscar du meilleur documentaire dénonce à travers de nombreuses entrevues avec des militaires et leurs avocats les abus et les limites de la lutte anti-terrorisme du belliqueux actuel président des États-Unis. Si à l’instar des photographies choquantes, les révélations des militaires se révèlent cruelles, insoutenables et scandaleuses, elles n’ont bientôt pour effet que de nous assommer tant elles sont répétitives. Il n’y a pas à dire, le réalisateur, à qui l’on doit le tout aussi touffu brûlot Enron: The Smartest Guys in the Room, aime bien enfoncer chaque clou.
Stylisé et d’une facture visuelle très soignée, Taxi to the Dark Side ne s’éloigne que trop rarement de son défilé de têtes parlantes pour s’attacher au triste destin de Dilawar, jeune chauffeur de taxi afghan qui ne revint jamais dans son petit village après avoir fait monter trois passagers. Injustement emprisonné à Bagram, il fut humilié, interrogé, torturé puis, selon son dossier, mourut de causes naturelles.
Recueillant les témoignages des proches, des tortionnaires et d’un codétenu de Dilawar, l’auteur de Ennemy of Combattant: My Imprisonment at Guantanamo, Bagram and Kandahar Moazzam Begg, Alex Gibney expose sous une lumière crue la bêtise des hommes aveuglés par ce qu’ils croient être la justice et allant jusqu’à bafouer la Convention de Genève. En résulte une démonstration captivante, éloquente bien qu’elle ne nous apprenne rien de bien nouveau, qui nous abandonne avec un net sentiment d’impuissance face aux machinations du gouvernement Bush.
À voir si vous aimez /
Enron: The Smartest Guys in the Room, d’Alex Gibney; Fahrenheit 9/11, de Michael Moore; Control Room, de Jehane Noujaim