It's a Free World… : La loi du plus fort
Cinéma

It’s a Free World… : La loi du plus fort

Dans It’s a Free World…, prix du scénario à la Mostra, Ken Loach traite de l’exploitation des immigrants en Angleterre.

Intègre, progressiste, engagé, voilà quelques-unes des épithètes qu’on associe automatiquement au cinéaste anglais Ken Loach, à qui l’on doit des peintures de milieux défavorisés d’une vérité criante, douloureuse. Dorénavant, il faudra ajouter "rusé" à la liste puisqu’avec It’s a Free World…, Loach, secondé par le scénariste Paul Laverty (fidèle complice du réalisateur depuis Carla’s Song), nous entraîne dans les bas-fonds de l’East End londonien à la découverte du sort réservé aux immigrants en compagnie d’une héroïne aussi séduisante que repoussante. Certes, personne ne pourra l’accuser de signer un drame social manichéen et didactique.

Crinière platine, bardée de cuir noir, à cheval sur sa puissante moto, Angie (admirable Kierston Wareing) parcourt Londres pour les besoins de l’agence de recrutement qu’elle vient de mettre sur pied avec sa coloc Rose (Juliet Ellis, sobre) peu après avoir été renvoyée injustement d’une autre agence. Pétrie de bonnes intentions à l’égard des immigrants, dont un charmant Polonais nommé Karol qui lui servira d’interprète (Leslaw Zurek, efficace), l’ambitieuse mère de famille monoparentale au charisme fou ne tardera pas à contourner graduellement la loi afin de se tailler une place de choix dans ce milieu compétitif, et ce, malgré les réticences de sa partenaire.

Alors que Bread and Roses adoptait le point de vue des immigrants, ceux-ci ne sont pour ainsi dire que des présences furtives, quoique frappantes, dans It’s a Free World… Victimes impuissantes d’un système corrompu, ces hommes et femmes ont peu à dire ici. En fait, ce n’est pas à une démonstration de leur misère que Loach se livre, mais bien à une critique cinglante et sans appel d’une société éprise de son confort qui ferme les yeux sur leur sort.

D’une esthétique naturaliste qui sied parfaitement à son sujet, It’s a Free World… se révèle être une complexe et brillamment dérangeante incursion, pour de pas dire descente, dans les rouages d’un système qu’Angie contournera suivant une logique implacable, laquelle nous empêchera de condamner totalement la jeune femme. Le résultat qui découlera de ces choix peu éthiques éclatera au visage et au coeur. Et à l’instar d’Angie et de Rose, l’on ressentira désespérément l’impossibilité de se sortir de cet engrenage insidieux.

À voir si vous aimez /
Bread and Roses, Ae Fond Kiss…, Sweet Sixteen, de Ken Loach